Depuis le 1er septembre, Yo! est amarré à la Marina Ocean Village de Gibraltar. Point final de l’étape méditerranéenne : 5 ans depuis le retour de Mer Rouge, un 31 Août à Canet – 1 mois de descente des côtes espagnoles en Août 2013 – un peu plus de 1000 nm.
Et un lieu d’atterrissage original.
Le rocher continuellement couvert de nuages par vent d’Est et qui culmine à 426 mètres constitue un amer remarquable. Il s’agit pour s’approcher de veiller aux heures de marée. Quitter Porto Duquesa quatre heures avant la Pleine Mer à Gibraltar permet de bénéficier d’un courant portant, dans le cas contraire, c’est 1 à 2 nœuds de courant dans le nez, pas glop. Le contournement de la pointe Europa s’effectue avec des rafales à 7 et au milieu d’une mer croisée vent contre courant dans tous les sens ; par contre le pilotage est très simplifié, il suffit d’aligner le phare, la mosquée Ibrahim al Ibrahim dite du gardien des mosquées saintes – 5 millions de livres sterling par l’Arabie Saoudite en 2007 – et le sanctuaire catholique Notre Dame de l’Europe, dédié à la vierge depuis l’expulsion des maures en 1309 – statue couronnée à Rome en 2002 par Jean Paul 2 -.
Un des pères fondateurs de l’Amérique, un certain Benjamin Franklin, avait coutume de dire : « Les phares sont plus utiles que les Eglises », ici, c’est le phare ET les églises, on ne sait jamais…
Passé la pointe Europa, Yo ! vogue à l’ombre du rocher dans un immense golfe bordé au Nord par la raffinerie d’Algésiras et à l’Ouest par les énormes installations de containers (tout cela en en Espagne) et encombrée de gros, très gros bateaux au mouillage, bien plus dans la partie Anglaise, Gibraltar en effet bénéficie d’un statut de port franc, hors-taxe, les cargoes y font stockage temporaire le temps de se vendre au plus offrant.
Pour l’entrée de la Marina, point de balise, il suffit de suivre les avions en train de se poser sur la piste de l’aéroport qui sert de frontière avec l’Espagne. La Marina est juste au sud ! le mouillage au Nord et il est fortement recommandé d’éviter de mouiller dans l’axe…
La liste des territoires non autonomes établie par les Nations Unies contient 17 noms. Le seul territoire qui se trouve encore en Europe est Gibraltar. Situé à l’extrême sud de l’Espagne, Gibraltar dont la superficie inférieure à 7 km² est occupé par un immense rocher et peuplé de 30 000 habitants a le statut de territoire britannique d’outre-mer.
La frontière est de 1200 mètres. C’est la plus courte du monde. Elle est pourtant le lieu d’âpres discordes qui se sont envenimées cet été depuis que les autorités de Gibraltar ont jeté 70 blocs de béton dans le but d’édifier un récif artificiel destiné à la préservation des espèces sous-marines. Les pêcheurs espagnols ne pouvant plus jeter leurs filets sans craindre de les déchirer estiment qu’il s’agit d’une grave entrave à leur travail. Par ce geste, Gibraltar souligne que cette zone relève de ses eaux territoriales alors que l’Espagne considère que la colonie ne jouit d’aucune souveraineté sur la mer qui borde ses côtes. Les douaniers espagnols ont immédiatement enclenché une grève du zèle pénalisant ainsi les « Llanitos » (les habitants de Gibraltar dont 6 700 ont une résidence côté espagnol), les vacanciers et les Andalous qui travaillent sur le rocher (10 000), îlot de prospérité adossé à un pays en récession (2,5 % de chômeurs à Gib contre 35,8 % en Andalousie).
Il faut ajouter que la circulation n’est quand même pas aisée puisque la route coupe la piste de l’aéroport et qu’elle est interrompue à chaque fois qu’un avion décolle ou atterrit. Heureusement, ils ne sont pas si nombreux : aucun avion en provenance de Gibraltar n’est autorisé à se poser en Espagne !
La justification des douaniers est toute trouvée : Gibraltar ne fait pas partie de l’union douanière, de la zone Euro ou de l’espace Schengen, il s’agit donc de contrôler le trafic des contrebandiers et des délinquants financiers.
Gibraltar qui n’applique pas de TVA est sortie fin 2009 de la « liste grise » établie par l’OCDE. Mais Madrid continue d’affirmer que le Royaume-Uni a un certain nombre de paradis fiscaux dans sa juridiction, comme l’ile de Jersey, l’ile de Man, les Bermudes et … Gibraltar.
L’économie de Gibraltar repose sur les services bancaires et financiers, le tourisme, l’activité portuaire et les jeux en ligne (les trois premiers apportent 25 à 30 % du PIB, le dernier autour de 15 %). Les autorités de Gibraltar refusent l’appellation de paradis fiscal, mais reconnaissent toutefois que les impôts sur les revenus et sur les entreprises sont « légèrement inférieurs à ceux de nombreux pays européens ».
En fin de compte, ce serait aux habitants de Gibraltar de décider de leur futur par un référendum, tel que l’ONU le réclame à Londres. La reproduction du scénario de rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997 semble ici peu probable, tel que l’illustrent les nombreux Unions Jacks accrochés aux fenêtres et les îlots persistants de chauvinisme britannique : pubs, affiches du meilleur Fish & chips, Marks & Spencer…, jusqu’à la date de la fête nationale du 10 septembre qui commémore le référendum de 1967, premier acte d’autodétermination du peuple de Gibraltar qui a rejeté l’annexion par l’Espagne. La petite histoire dit que lorsque les macaques berbères qui peuplent le rocher partiront, les anglais aussi… Pour l’instant, l’enclave britannique est régie par la règlementation de la reine Elizabeth II, jusqu’à l’heure qui est identique à celle de Londres et donc non partagée par le reste de l’Europe.
« Quelle heure reptile, je n’en saurien »… Ce mauvais refrain de rock belge fera office de transition car Stellla reprenait aussi :
« Il y a une ville à la Costa del Sol
Ou il y a plus de Belges que d’Espagnols
Ou il y a plus de Leonidas
Et de Bata que de gambas
On ira tous, tous, tous à Torremolinos »
Et ben nous NON. Ou plutôt si, nous avons vu Torremolinos et nous n’irons plus à Torremolinos, ni à Benidorm, ni à Porto Banus, ni à Estepona, ni à Fuengirola et non plus à Malaga. Tout simplement parce que c’est le pire que l’Espagne a pu produire en 25 ans.
La Costa Blanca est la section de la côte la plus urbanisée d’Espagne avec près de 96 % de son linéaire bétonné. Seules les zones rocheuses ou humides sont épargnées. L’arrière-pays est entièrement bâché, la campagne mise sous plastique. Nous naviguons au large d’un paysage blanc et on pourrait presque que se croire au ski. Les légendes urbaines laissent croire qu’en cas de tempête des bâches de 100 m de long s’envolent et se prennent dans les mâts des bateaux qui croisent au loin.
Plus au sud, ce n’est pas mieux, 80 % de la population de la région de Malaga habite sur le littoral depuis que le tourisme s’est développé à la fin des années 50 appuyé par le slogan « Costa del Sol : plus de 300 jours de soleil par an ». Progressivement, les subventions Européennes ont permis la construction d’infrastructures routières et d’aéroports pour l’accueil d’environ 36 millions de touristes en 2013, de retraités des pays du Nord et d’investisseurs de toute nature.
Pour les touristes et les résidents expatriés à la retraite, c’est « todo incluido » pour les autres, c’est « sea, sex & sun… & corruption ».
Dans les années 1980, les tabloïds Anglais nommait déjà la région « Costa del Crime » car circulait l’idée que les criminels échappaient à la justice Anglaise en venant se réfugier dans le luxe Espagnol et continuait ainsi à faire prospérer leur business par la spéculation immobilière.
De cette situation, les autorités locales n’y voient que du bénéfice : occuper la population issue de l’exode rural et en plein essor démographique, favoriser l’économie locale en coulant des millions de tonnes de béton et s’enrichir personnellement. En juin 2012 a débuté le procès de « l’affaire Malaya », un immense réseau de blanchiment d’argent et de corruption urbanistique à Marbella. Le procureur a demandé un « verdict exemplaire » pour ce qui fait figure de symbole de la corruption municipale : plus de 90 personnes impliquéesdes côtes espagnoles en Ao%seillers municipaux et une armée de constructeurs accusés d’avoir reçu pour €670 millions de pots de vin en échange de permis de construire. Les ramifications au niveau de la jetset mondiale semblent stupéfiantes (si, si).
Il est difficile de deviner aujourd’hui quels vont être les attendus d’un tel procès tellement il est admis que la corruption en Espagne et plus particulièrement sur la Costa del Sol est aussi inévitable qu’un coup de soleil ! Il n’a suffi que de 2 hivers pour oublier les Indignés : « No hay pan para tantos chorizos » (pas assez de pain pour tant de voleurs).
Surtout qu’aujourd’hui rien ne semble arrêter la frénésie des promoteurs immobiliers qui ont su s’adapter. La clientèle Russe est très convoitée : produits Russes dans les supermarchés, vols directs de Moscou à Malaga, panneaux d’information en cyrillique, agences immobilières spécialisées… En 2012, une acquisition immobilière sur 10 a été réalisée par des Russes pour un montant supérieur à 1 million d’euros. Une grande partie d’entre elles représenterait des opérations de blanchiment réalisée par la mafia…. à suivre….
Venant de l’Est, la Costa del Sol commence au Cabo del Gata, seule portion de côte non bétonnée, protégé par un statut de parc régional « le plus sauvage d’Andalousie, à vrai dire le cap est tourmenté, se jette dans la mer, première balise naturelle séparant la Méditerranée proprement dite de la mer d’Alboran, les effets de courant de marée de Gibraltar se font sentir à partir de là. Peu de touristes sur le cap, il faut dire que la marche sur les sentiers naturels par 35° ne correspond guère aux aspirations communes. Un abri raisonnable à la Cala San Pedro, un des berceaux historique de la culture « freaks », ceux que l’on appelait des baba-cools au siècle dernier, un vieux château, un vallon et un cours d’eau. Le propriétaire met tout cela à disposition des uns et des autres, certains se sont installés dans des cabanes à l’année (avec panneaux solaires et paraboles quand même) mais l’immense majorité campe sur la plage vivant simplement d’amour et d’eau fraîche (et d’un peu de ganja), « flower power ».
Léger problème de sanitaires, il faut malheureusement attendre les tempêtes d’hiver pour le nettoyage. Ici aussi, les stupas sont cultivés assidument, selon une variante locale, en abri sous grotte (compte tenu de ce qui précède, on évite de marcher dans la grotte, sorry).
En amont du Cap de Gata, pas très beau pourtant de beaux noms qui remontent aux Phéniciens, Carthagène par exemple ferait bien rêver, un magnifique abri naturel, genre Marseille, Mahon ou bien Syracuse, l’ensemble se révèle industrieux et commercial, le mouillage est interdit etc…
Par contre, une rencontre magnifique avec un méthanier abominablement laid, au mouillage pour livrer le gaz du Quatar sur l’Espagne (encore une fois l’impact des Gaz de Chite qui perturbe les flux standards de logistique). Laid au point qu’on le photographie, que l’on recherche sur le Web sa trace, il s’agit du « Berge Arzew » de son petit nom, un LNG Carrier et là, joie suprême, deos gratias, nous découvrons que nous ne sommes plus seuls, au moins un autre être vivant sur cette planète s’intéresse à la démesure dans la laideur nautique, son site : http://uglyships.wordpress.com/
Jouant aux poupées Russes, la « Mar Menor » est une mer intérieure – un très grand lac salé en fait – séparée de la Méditerranée par une bande de terre, La Manga. Un petit port, Thomas de Maistre, en plein milieu, avec un chenal dragué à 2m50 et un pont ouvrant à heures fixes (« la nourrice montre son sein et le pont s’affaisse », sic).
Dans la Mar Menor, des îles, une profondeur qui ne dépasse pas les 5m, on mouille ou on veut, du vent et pas de mer, le paradis pour la glisse. Sur tout le pourtour, des immeubles, surprise, surprise….
Parfois suspectés de ne relever que les aspects les plus sombres des régions que nous traversons, nous nous inscrivons en faux et à ce titre, pêle-mêle une partie de ce qui nous a fait très plaisir :
– Les petites marinas de Porto Duquesa et de la Herradura dans laquelle nous avons essuyé un violent orage de grêle.
– Une soirée en compagnie de Miguel et sa famille à Campello au nord d’Alicante (occasion entre autre de traiter le 3ème tentacule du poulpe… nous y reviendrons ultérieurement dans les pages « comme des bêtes ») .
– La remontée d’une horde sauvage de bateaux de pêche à la tombée du jour.
– BB initials : Agitant ses grelots/Elle avança/Et prononça ce mot:/Alméria ! (Gainsbourg).
– Les essais de génois tangonné, ça marche bien.
– Comprendre que sur terre ils avaient aussi des feux rouges et verts et que ceux-ci n’indiquaient par toujours l’entrée d’un port mais arbitraient la circulation des voitures. Merci Tchako !
– Tout droit sorti d’un vieux Tarantino, « Une soirée en enfer » à Aguadulce : goules, pieds nus, musicos et gin tonic………..
Avec nos meilleures pensées, Santé et Sobriété.
Stéphanie / Christophe
Londres
18 Septembre 2013
Santé et sobriété c’est sur?
Vous êtes à ce point malades?
Merci beaucoup
Laurence
De Londres… c’est juste pour vérifier qu’on est bien attentif ?
Bizzz
PP est le meilleur produit de l’espagne depuis des lustres, il a tout bu et ne se bétonne plus de rien. Quant à Eliane, elle est sous le choc : ” Comment peut on se moquer de macaques berbères ” dit elle et d’ajouter: ” Monkey say wonderful Gibraltar”. Gilles, lui, ne se foule pas!!!…
(There is a spoonerism or counter fart ?) – Good luck bro.
Je souhaiterais simplement remarquer que une nuit en enfer n’est pas de Tarantino, malgré sa participation mais de Rodriguez, mais je ne fait que pinailler.
bon vent
Salut les Yo ! et merci pour cet update fun sur Gibraltar (alias Djebel Tarik, comme l’appelaient les locataires avant Isabelle) : les courants alternatifs, les alignements œcuméniques, le méthanier qui a mauvaise mine, les macaques sur leur caillou et les vieux anglo spanish dans leur pub.
Pensée pour Corto Maltese, fils d’un marin de Cornouailles et d’une gitane de Gibraltar.
Souvenir d’un escale prolongée en attente de spares pour un volvo MD2B, dans les années “flower pétard power”.
Réflexions géopolitiques anglos / espagnoles : échange de Mellila + Ceuta contre Gibraltar. Du coup les anglais récupèrent les migrants dès la côte d’Afrique et peuvent les conduire aux Falklands. Pas simple ? non, pas drôle.
Et pour terminer, une anagramme renversante, à trouver pdt vos prochains quarts de nuit :
” l’origine du monde”.
Allez bien.
Jacq