The fun side of the wall

Murales – Puerto Vallerta

 

Hasta luego Mexico! Hasta pronto!

Fin de la trilogie Pacifique Nord-Américaine avec une balade de 4 mois au-dessous du volcan, d’Ensenada (quelques kilomètres au sud de Tijuana), à Huatulco (entrée du golfe de Tehuantepec et du Chiapas) en passant par la mer de Cortez, l’occasion de vérifier la maxime édictée il y a 100 ans par le dictateur Porfirio Diaz : « Pauvre Mexique, si loin de Dieu et si proche des Etats Unis ».

Le contraste entre l’accueil, la gentillesse des habitants, la bienveillance, la simplicité des rapports et l’extrême violence lisible dans la nature des faits divers, les statistiques -plus de 24 000 homicides en 2017, soit 69 par jour, troisième pays le plus dangereux pour les journalistes après la Syrie et l’Afghanistan -, la contreculture -narcororridos, ballades à la gloire des narcos trafiquants et culte de Santa Muerte privilégié par les pauvres, les délinquants et les junkies- et la haine du Yanki est déroutant. Ceci rend la résilience des habitants à la relation de domination perverse entretenue par les Etats Unis d’autant plus attachante.

Mexique : PIB 1000 milliards de $ – tourisme 160 milliards de $ – drogue 40 milliards de $ : inutile de dire que tout est fait pour que les soubresauts insurrectionnels découlant du trafic de dope avec les US n’affectent pas la vache à lait touristique, le sujet n’existe pas. Le parti pris de ce billet est de fournir une introduction, juste quelques éléments, bien sûr, au détriment des sites incas, bien sûr au détriment des photos d’enfants joyeux, bien sûr au détriment de la vie de tous les jours dans un pays magnifique qui s’enfonce doucement dans la douleur….

 

Vierge au Cactus – Noel à La Paz – Baja California Sur

 

Entre le Mexique et le riche et encombrant voisin : 3200 kilomètres de frontière qui mettent du « bon » coté les territoires « volés » au Mexique à la fin du 19ème siècle : Texas, Arizona, Nouveau Mexique et Californie. Les conséquences de ce front indéfendable (Nixon s’y essaya sans succès) sont des liens démographiques, économiques et capitalistiques inextricables : 1 million d’Américains vivent au Mexique et les migrants mexicains aux US – 12 millions de personnes – envoient au pays 30 milliards d’USD de remittance annuels, les « maquiladoras » implantés grâce aux capitaux américains produisent des biens à faible valeur ajoutée (automobile, électronique…) exportés à 80% vers les Etats Unis et les flux issus du narcotrafic (drogues, armes, et blanchiment d’argent) bénéficient aux deux côtés de la frontière finançant la Silicon Valley.

La lutte contre l’immigration clandestine et le narcotrafic parait être une obsession par les Etats Unis alors que la lutte contre la pauvreté et la corruption est privilégiée par le Mexique soupçonné d’être un Narco Etat.

L’accord de libre-échange (ALENA ou NAFTA) signé en 1994 entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique a placé ce dernier au 15ème rang du classement des PIB mondiaux. Cette prospérité très sensible aux fluctuations de l’économie américaine a fait émerger une classe urbaine moyenne bien éduquée mais a accru les inégalités et a contribué à maintenir la moitié de la population de 130 millions d’habitants, sous le seuil de pauvreté en raison de la corruption systématique et des mesures d’austérité imposées par le FMI et la Banque Mondiale.

L’intérêt des américains pour le narcotrafic, business illicite mais deuxième plus important après celui de l’or noir a favorisé le développement des activités illégales. Le NAFTA est aussi surnommé NAFDA : North America Free Drug Agreement (le D remplace le T de Trade). Il signe la connivence entre l’économie légale et illégale. Le trafic croissant de marchandises permet de masquer la « libre » circulation de la drogue sous toute ses formes (marijuana, héroïne, cocaïne, et récemment meth et fentanyl…).

La demande insatiable du marché américain, initialement morphine pour les soldats pendant la seconde guerre mondiale après que l’approvisionnement par la Turquie ait été stoppé, en passant par la fumette des années hippies, le hype récréatif de la poudre et des smileys des années 80’ et 90’, les cailloux (crack) anti blacks, jusqu’aux antidouleurs responsables de l’épidémie d’overdoses, a stimulé l’inventivité marketing et d’approvisionnement des Narcos Mexicains.

Le double jeu des Etats Unis est encore plus apparent, si on observe les flux financiers. La guerre à la drogue lancée par Nixon et argument électoral sans cesse repris par ses successeurs est la guerre la plus longue -plus de 40 ans- jamais livrée par les Américains. Dans les années 70 puis 80, tous les moyens sont bons pour lutter contre le “terrorisme” communiste en Amérique Centrale. Les consommateurs de drogue américains financent directement ou arment les groupes d’extrême droite pour écraser les rebellions via les cartels. Aujourd’hui les guérillas communistes sont sous contrôle, mais le trafic de drogue constitue après le krach financier de 2008 la seule source de liquidités injectée dans tous les secteurs de l’économie, finance, immobilier, start-up, énergie, politique, armes, sécurité, Police, Tribunaux, prisons…

Ainsi, il apparait que ce n’est pas la drogue cause de nombreux décès des 2 côtés de la frontière qui justifie la guerre, mais plutôt la menace d’insurrection portée par la fragmentation des cartels ainsi que le maintien d’une prohibition génératrice de revenus exceptionnels.

 

 

Los Gatos – Mer de Cortez

 

Non sanctionnés à 95%, les actes de corruption perturbent tout le fonctionnement des institutions et de l’activité économique au détriment des plus précaires. Dans la vie de tous les jours, ils sont exercés par les petits et moyens fonctionnaires sur les citoyens ordinaires pour l’accès aux services de base, hôpitaux, écoles, police… et engendrent un cercle vicieux : la perte de confiance dans les institutions justifie le peu de dénonciation d’activités criminelles, ce qui motive les organisations terroristes à agir en toute impunité.  Au niveau politique, ils concernent la manipulation des institutions, des règles et des lois dans l’allocation des ressources et des financements pour l’accroissement de richesse, de pouvoir ou de statut individuel et agissent comme amplificateur. Les fonctions déficientes de l’autorité civile ou de l’Etat de droit sont progressivement infiltrés puis assumés ou non par les organisations criminelles.

La démocratie semble le régime le plus apte à empêcher la corruption à l’inverse des régimes autocratiques, l’exception étant Singapour (!). Ce n’est pas le cas des démocraties défaillantes. Au Mexique la corruption est érigée en mode de vie dans le cadre d’une « dictature parfaite » – Mario Vargas Llosa, une « dictamolle » tellement bien « camouflée qu’elle ne semble ne pas en être une, une tyrannie invisible qui adoptera la forme extérieure d’une démocratie » doctrine du PRI – Parti Révolutionnaire Institutionnel- dans le cadre de ses relations avec les médias. Le progrès relatif dans l’histoire du PRI qui a exercé le pouvoir pendant 70 ans, est d’avoir remplacé la désignation directe du Président par son successeur par la fraude électorale.

Le poids des rackets de toute nature dans le budget des foyers mexicains est estimé à 33 % de leurs revenus freinant la consommation et l’investissement. La trilogie pauvreté, corruption, violence (couts de la prévention, répression, poursuites judiciaires…) ont coûté au pays environ de 34 % de son PIB en 2014.

Cette situation prive le pays d’un développement normal. Enfin, des études statistiques (Institute for Economics & Peace) montrent la corrélation entre les indices de corruption et de paix. La dégradation du score de corruption qui place le Mexique en 135e/180 positions dans le classement mondial est concomitante avec l’augmentation de la violence et la privation de libertés.

 

Depuis la genèse du narcotrafic suscitée par les Etats-Unis, le gouvernement s’est accommodé de l’influence des Narcos, fermant les yeux sur le trafic, en échange du soutien lors des opérations contre les ennemis politiques du PRI. Un cartel monopolistique, celui de Sinaloa pour ne pas le nommer, régule correctement les flux et se comporte en acteur responsable.

Avec l’éviction, inattendue, du PRI entre 2000 et 2012 (2 mandats successifs de partis alternatifs avec « Fox Cola » et Calderon), les nouveaux gouvernants suivent les conseils de leur puissant voisin et, à leur tour, déclarent la guerre à la drogue : le monopole est éclaté, en résulte rapidement une grappe métastasique d’au moins une dizaine de cartels, amplifiant les rapports de force ; les Narcos sont contraints de se battre pour retrouver des complices parmi les fonctionnaires en grande partie remplacés, opération qui a parallèlement perturbé le ruissellement de l’argent de la corruption. Afin de pallier un faible soutien populaire, Calderon pactise avec certains cartels et militarise le conflit, l’Etat prend une position stratégique dans la compétition entre cartels attisé la lutte de pouvoir, résultant en une multiplication des « plazzas » et des routes.

Dans un contexte de violence exacerbée, le PRI a été réélu en 2012 car jugé capable de négocier et de s’entendre avec les cartels et ainsi diminuer la violence. A l’expiration du mandat de Pena Nieto, le bilan est un échec total.

 

 

Catarina – Huatulco

 

Pendant la période Calderon, un groupe d’élite de l’armée ayant compris qu’il y avait moyen de gagner beaucoup plus d’argent que d’émarger au contingent a formé son propre cartel. Très bien organisés et entrainés par la CIA, ils ont commencé à mener des actions d’une extrême violence : extorsions, enlèvements, décapitations, pendaisons… publiées sur internet. Entrepreneurs psychotiques, terroristes -ils tuent des civils-, seigneurs de guerre -ils se battent pour des territoires ou des parts de marché-, ils ont infiltré tous les secteurs de l’économie, des médias à l’industrie et jusqu’au détournement des flux de l’industrie pétrolière pourtant nationalisée. Animés d’aucun fanatisme religieux, motivés par aucun agenda politique, avec l’argent pour seul mobile, les Zetas ont fait basculer « la guerre contre la drogue » vers « la guerre de la drogue » menaçant par leur activité insurrectionnelle l’équilibre voulu par les Etats Unis. Leur grand compétiteur, Cartel Jalisco Nueva Generación – CJNG – est l’étoile montante de la clique,

En exploitant par le chantage le sentiment d’infériorité, d’injustice, de colère ou de frustration des plus pauvres et la convoitise sans fin des nantis, les 7 cartels ont réussi à fragmenter la société désormais menacée de guerre civile et ont développé le potentiel d’une force de rupture en Amérique Latine -Guatemala, Salvador, Honduras- et par tache d’huile en Afrique de l’ouest -Nigéria, Guinée Bissau- irriguée par les flux de la drogue à destination de l’Europe.

Les cartels représentent un cas d’école de croissance capitalistique – typique de la Harvard Business Review – compétition, croissance interne et externe, intégration verticale (de l’approvisionnement au consommateur final), diversification (racket, enlèvement, immobilier, finance) et surtout globalisation en cours. Il serait tellement plus simple de revenir à un simple problème criminel cantonné au Mexique, mais dans le contexte d’élections en cours et de polarisation envenimée par Trump, la situation parait irréversible.

 

 

Credit Marco Melgrati – Illustrateur Italien vivant à Mexico
(compte Instagram : https://www.instagram.com/m_melgrati/)

 

En complément pour les curieux deux albums photo :

Baja California, des cactus et des hommes:

https://photos.app.goo.gl/OkXXHADiPuEijr7J2

 

Murales :

https://photos.app.goo.gl/PTXtiAVhUe0hBCjC3

 

Stéphanie / Christophe

Shelter Bay – Panama Atlantique – 13 avril 2018

 

2 thoughts on “The fun side of the wall

  1. Message bien reçu, pas glop du tout !
    Il y a quelque chose d’effrayant à savoir que le monde va si mal. Témoigner l’observer, et puis? comment vous débrouillez vous de votre côté pour garder cet élan qui vous pousse ?
    Puis je partager avec des amis mexicaines ?
    Bon vent, prenez bien soin de vous

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