Les grands d’Espagne

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Finies les « to do » listes de centaines de lignes. Fini les allers retours incessants vers les magasins d’accastillage, grandes surfaces de bricolage et autres zones d’achalandage. Fini les inventaires et rangements continus : tout est rentré, le reste n’est que superflu donc inutile.
La maison est fermée, la clé quelque part pour quand on reviendra bien plus sages.

Le projet Yodyssey entre dans sa phase de mise en œuvre : Cap à l’Est en passant par l’Ouest.

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Encouragés une nouvelle fois par les amis et parents, le 3 août 2013 à 14h (à un quart d’heure près) nous prenons la longue route, celle des écoliers qui flânent de ports en ports, d’iles en iles. Nous sommes devenus navigateurs au long cours et porteurs de rêves, comme ça, d’un coup de baguette magique.

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Emus, nous embouquons la passe de Canet en Roussillon, cap au sud, passons une dernière fois, avant longtemps, au large de Collioure, doublons le cap Bear puis le Creus, direction Barcelone.

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La ville change vite, se modernise, la Rambla (oued desséché) grouille d‘individus qui ont trop chaud, trop soif, errent en pleine chaleur car c’est bien écrit dans tous les guides, l’endroit est si romantique avec ses oiseleurs. Déjà, plus trop d’envie de s’attarder. Bien sûr un peu d’avitaillement au marché de la Boqueira mais comme une impression de « déjà vu ». Très vite, accompagnés de Yann et Laurence nous gagnons le large vers les Baléares.

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Au matin, un thon de 20 kg s’invite à bord, tout seul, comme un grand, saute sur la jupe arrière, se jette sur la bouteille de rhum dont il s’injecte une bonne rasade dans les ouïes, se saoule éhontément et finit par s’endormir ; à vrai dire, le statut de la pêche au thon rouge en Méditerranée n’est pas clair (en fait extrêmement réglementée) mais comme il s’agit en l’occurrence d’une initiative individuelle, l’équipage se résout à un régime sur protéiné sur quelques jours, festival de tartares, sushis, sashimis, lok lak, rôtis, darnes…

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Posés au Nord de Majorque, vers le cap Formentor nous explorons quelques très jolis calas puis direction Mahon (capitale de Minorque, universellement célèbre grâce à Richelieu dont le cuisinier y inventa la Mahonnaise, si , si, par dérivation de l’aïoli locale) où nous relâchons nos équipiers surpris qu’une semaine se soit déjà écoulée et ne sachant pas où le temps rempli de bons moments a fui.

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Tradition oblige, Bébert et Henriette, deux chapons (rascasses) sont embarqués au marché au poisson de Mahon, farcis à la crevette, un met de choix. En 3 ans, le marché au poisson a diminué de moitié, les étals sont remplacés par des colifichets à destination des hordes qui débarquent des Costa Croisières et autres MSC; le monde change, la rentabilité est bien meilleure que la pêche, les nigauds ont plus besoin de ramener des souvenirs que des poulpes encore vivants (pas très pratique dans la valise à roulette) et puis, mais nous y reviendrons plus tard, il n’y a plus trop de poisson, pire que des sauterelles notre humanité bouffe tout.
2 jours et 2 nuits de mer, pour atteindre Ibiza, découvrir enfin la dolce vita à l’Espagnole.
Ce n’est pas tout à fait ça, il faut bien admettre qu’Ibiza ce n’est pas Ponza ou Capri et Formentera n’est qu’un mirage égaré au siècle dernier. Urbanisme débridé, ambiance pseudo New Age, « love, love », l’hédonisme des années 70 a bien vite été remplacé par les business bien réglés afin d’essorer le vacancier en package – promenade en mer, baignade, alcool à volonté, poisson (d’élevage) grillé ou part de paëlla (décongelée), re baignade, coucher de soleil, l’esprit brumeux, nuit pseudo techno, et ça recommence. Crétins entassés sur des vedettes ou de gros catamarans, les chairs flasques et malsaines, une ecstasy par-ci, une bière par là. Les vols low-cost sur Ibiza au départ de toute l’Europe du Nord permettent ainsi à nos castes de jeunes « inclus » d’accéder à la vrai vie l’espace d’un instant, celle des « beautiful people ».

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Une seule surprise agréable à porter au crédit du génie local : l’élevage de stupas en plein champs, la technologie semble maîtrisée, reste à développer un marché.

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Lassés du bruit et des passages incessants de vedettes, jet ski, promènes couillons… , nous poursuivons la descente de la côte méditerranéenne Espagnole, direction la Costa Blanca, la roche gris clair lui donne ce nom. Par ici, la culture, c’est de l’hydroponique, tout l’arrière-pays n’est qu’une immense bâche plastique couvrant les productions de fruits et légumes nourrissant l’Europe (cela rappelle l’utilisation de la Sicile et de la Tunisie par Rome). Petit souci à l’horizon, les nappes phréatiques sont épuisées… dommage.

« Yo ! » frétille, il glisse au portant sous un ciel étoilé ; 1h58, le méridien de Greenwich est franchi, les latitudes que « Yo ! » n’avait jamais connu qu’Est sont désormais Ouest, ceci pour une certain temps, la prochaine bascule Ouest vers Est se faisant aux environs des Fidji, de l’autre côté de la terre… c’est purement symbolique bien évidemment mais on peut imaginer être désormais en « terra incognita ».

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Cela clôt une première période de navigation qui fut l’occasion de tester les derniers équipements du bato, en particulier la trinquette sur enrouleur (très, très bien – merci Jacques et Richard) et d’estimer le rendement de Charlotte, la nouvelle éolienne ; quoique bavarde et volage, celle-ci demeure sous observation avec incidence positive quant à sa capacité à produire les ampères requis.

Avec nos meilleures pensées, Santé et Sobriété.

Stéphanie / Christophe
Campello
19 Août 2013