Borocedur

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Le 19 novembre 2015, « Yo! » se faufile dans la succession ininterrompue de cargos sur le rail le plus fréquenté du monde au droit de Singapour et s’amarre sur un coffre au Changi Sailing Club. La route, de l’archipel de Karimun Java lieu de villégiature des Javanais à celui de Riau, arrière-cour et atelier de Singapour impose de zigzaguer dans les flottilles de pêcheurs. La navigation sur des fonds inférieurs à 60 mètres et la désespérance liée à l’absence de vent au large de Belitung, coincée entre Sumatra et Kalimantan (Bornéo) accentue la sensation d’étouffement. Pourtant, la stratégie d’attente du début de la mousson de Nord-Est permet de naviguer alors que les fumées extrêmement denses dues aux incendies des forêts de Sumatra et Kalimantan sont dissipées par les premières pluies.

Au-delà de ces perceptions liées à l’environnement, la sensation d’enfermement est confirmée lors d’une escapade à Yogyakarta et Borobudur, démonstration flagrante de l’acculturation forcée au grand vide mental dictée par Jakarta.

Alors que la proximité de la Malaisie et de Singapour pousse à s’interroger sur l’insolubilité de l’Islam dans le Communisme, la dernière étape de la traversée d’Est en Ouest de l’Indonésie, des archipels oubliés vers les lieux de pouvoir et de création de richesse est l’occasion de dresser un bilan des quatre mois passés dans le continent maritime, plus grand pays musulman du monde et victime d’attentats à Jakarta quelques semaines après ceux de Paris le 13 novembre.

 

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En dansant la Javanaise

L’ile de Java concentre les 2/3 de la population d’Indonésie, soit dans les 200 millions d’habitants avec une densité proche des Pays-Bas (plus de 800 habitants au km2) ; on imagine sans peine les défis auxquels sont confrontées les autorités.

Elle présente deux caractéristiques complémentaires conduisant à une telle population:

  • une fertilité exceptionnelle (traditionnellement deux récoltes de riz par an, trois de nos jours),
  • située au centre d’un important réseau d’échanges commerciaux (on y retrouve des céramiques Romaines), les Indiens s’y étaient établis dès le VIIème siècle jusqu’au XVème siècle, puis les Musulmans s’implantant successivement à Sumatra (Aceh 1520) et à Java contribuent à l’effondrement de l’Empire Indianisé, ouvrant la porte aux Européens dont les Hollandais qui se taillent la part du lion…. jusqu’à l’Indépendance.

Batavia de son petit nom (fondée par les Hollandais en 1619), Jakarta de nos jours, la capitale – environ 25 millions d’habitants – épicentre économique, vitrine séculaire d’un pays en voie de mutation concentre les fonctions régaliennes malgré la politique de décentralisation menée depuis une dizaine d’années, …. tout en jouant le rôle de directeur de conscience pour l’ensemble des musulmans déclarés (85 % de la population totale).

Java, une île ? Non, un lieu de pouvoir, un lieu d’habitation, un monde en soi…. il y a peu de mouillages « secure » où laisser le bateau, on peut l’imaginer ; hormis l’extrême Nord-Ouest, à proximité immédiate du Krakatoa (1883 – crac boum hue, les explosions entendues en Australie, un tsunami générant des vagues de 20m, des blocs de ponce satellisés observés plusieurs fois en France et le ciel s’obscurcit pour quelques temps, maigres récoltes de par le monde), l’île est peu adaptée à la plaisance, c’est une première pour nous.

La fin de saison de navigation approche sur la zone, objectif Singapour, pour ce faire il faut se glisser entre les deux îles majestueuses de Sumatra et Bornéo (Kalimantan est le nom de la partie Indonésienne de Bornéo), parmi les dernières à héberger de la forêt primaire en Asie. Rivières boueuses, crocodiles, serpents, malaria, peu nous chaud de naviguer dans ces parages, d’autant que les incendies de forêts  rendent la navigation hasardeuse, nous faisons l’impasse, non sans quelques regrets :

  • Le sultanat d’Aceh à la pointe Nord de Sumatra, la Mecque d’Asie, se vante que sa religiosité extrême ait préservé les mosquées lors du tsunami de 2004. Les revendications de sécession se sont tues après que le gouvernement central ait accepté que le sultanat soit, localement, sous le régime de la Sharia. Une autre fois…pas en bateau.
  • A Bornéo, séparée entre la Malaisie (Sabah/Sarawak), Brunei et l’Indonésie (Kalimantan), s’éteignent les derniers Dayaks, redoutables chasseurs de têtes, animistes farouches et longtemps rebelles à l’islamisation tout comme s’étiolent les populations d’Orang Outang (homme singe en Bahasa). Une autre fois… pas en bateau.

Tous les ans, en fin de saison sèche revient la même histoire, les incendies de Sumatra et de Bornéo… et tous les ans, juré, promis, cela ne se reproduira plus, de nouveaux moyens de lutte sont en place, etc…

Ces incendies sont volontaires, provoqués par la déforestation massive pour la culture du palmier producteur d’huile de palme entrant dans la composition de nombreux produits agro-alimentaires -malgré des questions de santé publique- et source de bio carburant. Entre 2000 et 2012, l’archipel aurait perdu 6 millions d’hectares de forêt vierge, une surface quasi équivalente à celle de l’Irlande. A telle point importante qu’il s’agit maintenant de gérer la surproduction cause de décrochage de la cotation de la tonne d’huile de palme à la bourse de Kuala Lumpur.

Malgré son engagement de lutter contre cette destruction systématique dont 40% est le fruit d’actes illégaux, le gouvernement ne parvient pas à enrayer cette tendance. Son impuissance est liée à son incapacité à contrôler la dévolution des concessions aux grandes entreprises d’huile de palme ou de pâte à papier par les gouvernements de province et chefs de district responsables de la gestion de la forêt. De plus, cette industrie représente une génération d’emplois et une manne financière considérable. Ceci contribue à expliquer la réticence à sanctionner les incendies volontaires tout comme la destruction de récifs par cyanure ou explosion, l’arrachage de mangroves ou la surexploitation des ressources halieutiques, pourtant considérés comme des crimes. Enfin, derrière bon nombres de sociétés Indonésiennes s’abritent moultes Malaises à capitaux Chinois…. mais c’est une autre histoire. Enfin, les lobbys de l’industrie agro-alimentaire des pays occidentaux ne favorisent pas la préservation de la forêt primaire. En témoigne les débats autour de la taxe Nutella….

Dans ce contexte, les archipels de la mer de Java sont bien plus accessibles et se situent aux confins de mondes divergents.

  • 50 km au Nord de Java, Karimum Jawa exsude un léger parfum de riviera, c’est un haut lieu de tourisme des Javanais. Y débarquent habitants de Jakarta, Surabaya, Semarang en quête d’eaux claires et d’« authenticité ».

 

  • Plus à l’Ouest, les archipels de Belitung et Bangka, le long des mangroves de Sumatra, pâtissent d’une piètre réputation liée aux anciens (et peut-être encore actuels) foyers de piraterie. Juste sur l’Equateur, l’archipel de Lingga (Penuba), en marge du pôle Singapourien, hésite à choisir son camp entre usines et maisons sur pilotis fortement apparentées à celle des grands deltas d’Asie du Sud-Est.

 

  • Tout au Nord, soit au Sud de l’île-cité-état, juste de l’autre côté du détroit de Singapour, l’archipel de Riau (dont les plus grandes îles sont Batam et Bintan) abrite les actifs Indonésiens du triangle industriel Singapour/Johor Bahru (Malaisie) / Batam&Bintan (Indonésie). Situé tout en bas de la pyramide économique,  il sert d’atelier et marché de gros à Singapour. Les revenus moyens en Indonésie sont de 80 $ par mois, ils atteignent 200 $ à Riau, 400 $ à Johor Bahru et 1500 $ à Singapour… A Singapour la conception et le marketing des grandes firmes internationales, à Johor Bahru la maîtrise d’œuvre, à Batam&Bintan les usines high tech, pilotées de loin selon des standards internationaux mais obéissant à des normes locales en matière d’hygiène, social, salaires  et où travaillent les plus qualifiés des Indonésiens (Samsung en est un exemple parmi tant d’autres). C’est à Riau qu’est apprêtée l’immense production agricole Indonésienne (fruits, légumes, mais également viande dont, on ne rigole pas, le cochon), dernière étape de la chaîne de production, lavés, triés, packagés, bref, prêts à être vendus dans les supermarchés… C’est à Riau que transitent pour leur dernière étape de « traitement » certains flux financiers avant que d’aller se perdre dans les méandres bancaires de la ville lumière « incorruptible ». C’est à Riau que les retraités Singapouriens (Chinois) viennent couler des jours heureux, cession faite de leur appartement. Ils profitent des resorts, terrains de golf, casinos et lieux d’encanaillement.

Pour qui aime les récits de science-fiction, les villes confins de bout du monde, Tanjun Pinang, ville principale de l’archipel de Riau, est une ville magique, frontière, où tout est possible, oui, vraiment et tristement tout.

 

Karimum Jawa - Port de pêche

Karimum Jawa – Port de pêche

Lingga - Régate

Lingga – Régate

Détroit de Kalimantan - Pêcheur au lamparo au mouillage pendant la journée

Détroit de Kalimantan – Pêcheur au lamparo au mouillage pendant la journée

Karimum Jawa - Retour de pêche

Karimum Jawa – Retour de pêche

Karimum Jawa - Office de services touristiques

Karimum Jawa – Office de services touristiques

Penuba - Archipel de Lingga

Penuba – Archipel de Lingga

Penuba - Archipel de Lingga Ojek (moto) à flot

Penuba – Archipel de Lingga
Ojek (moto) à flot

Tanjung Pinang - Ile de Bintan sur l'archipel de Riau Parc d'ojeks

Tanjung Pinang – Ile de Bintan sur l’archipel de Riau
Parc d’ojeks

Karimum Jawa - Volatiles d'agrément

Karimum Jawa – Volatiles d’agrément

Marché de Tanjung Pinang - Volatiles à casserole

Marché de Tanjung Pinang – Volatiles à casserole

Zone de mouillage dans l'archipel de Riau. Sous l'orage : Singapour

Zone de mouillage dans l’archipel de Riau. Sous l’orage : Singapour

 

 

Yogyakarta, capitale acculturelle de l’Indonésie

Yogyakarta jouit d’une réputation de ville industrieuse, centre de production important de batik, de ville universitaire, de ville touristique et artistique, c’est la porte d’entrée de Borobudur et Prambanan, deux joyaux indiens ; bref une petite « capitale culturelle », à voir ?

Jogya, sous son petit nom, ne fait pas grande impression. Le gouverneur est sa majesté le sultan Hamengkubuwono X. La charge est héréditaire. Les tentatives récentes du gouvernement central d’aller vers un processus plus démocratique de désignation se sont heurtées à de fortes protestations, fin de l’histoire.

Un urbanisme moyen peine à dégager les artères bouchées jour et nuit, les colifichets à touristes produits industriellement, sont vendus en vrac, au poids, au sac, à la tête du client, un centre de production artistique certes, qui irrigue une majeure partie des cités du pays. Les cinq prières journalières sont bien distribuées de toute part, les sonos concurrentes se tirent la bourre au mépris des tympans hérétiques. Il est, pour une ville ouverte, fort difficile de trouver à boire un verre (allez voir au Sheraton… peut-être). Les jeunes amoureux, étudiants peut-être, sont si sérieux lorsqu’ils marchent dans la rue, comme une chape pèse sur la ville. Etrange.

Au cœur de la ville, le Kraton : immense bâtiment qui tenait lieu de cour princière, magnifiquement entretenu, peu utilisé, des pièces exposent des reliques à la gloire de la famille régnante : quelques photos historiques, celles de la circoncision du futur sultan et de sa sœur, les chaussures ET les chaussettes d’un militaire, un kriss etc… jolie collection de batik. La partie administrative n’est pas accessible.  A côté du Kraton, un musée, joliment conçu, quelques traductions en Anglais, les œuvres, exclusivement des pièces de la période Indianisée : de jolies marionnettes en cuir qui décrivent le Panthéon des divinités (y compris la Sainte Vierge et l’Enfant Jésus), toute la panoplie de ce que l’on trouve de nos jours sauvegardé à Bali (bijoux, statues, etc), Mandalas…  De local post 16ème siècle, rien, hormis une vague épée, cela ne va sans rappeler un drapeau tristement célèbre. Soit les pièces produites depuis la conquête de l’Islam sont trop précieuses pour être portées à la connaissance du vulgus pecum, soit elles sont inexistantes… Etrange.

De la période Indianisée, deux joyaux architecturaux subsistent : Borobudur le Bouddhiste et Prambanan l’Hindouïste.

  • Borobudur est situé à une quarantaine de km de Jogya, on ne le présentera pas ; les Hollandais s’en foutaient. Après l’indépendance, l’UNESCO y mit son grain de sel, prenant en charge la restauration de l’ensemble – sous le haut patronage du gouvernement Indonésien qui avait d’autres chats à fouetter-, un travail gigantesque. Le site est mis en valeur, un pseudo centre d’étude Bouddhistes justifie un hôtel aux portes de l’ensemble. Des hordes d’étudiants en hijab viennent contempler leur « passé », grimper sur les stupas, crier, piailler… De ferveur religieuse, il n’est pas question. Au fil du temps, l’aspect religieux du site a savamment été gommé pour ne plus laisser que la machine à produire du cash, assez proche de nos Châteaux de la Loire. Les riches touristes (ceux qui disposent de 20$) peuvent bénéficier d’une admission privée au petit jour, ils ne sont qu’une centaine, bruyants, gros gras et suants à gravir les marches, bénissant leur chance de pouvoir profiter de ce lieu magique entre eux, eux qui savent…. Aperçu un moine et sa robe orange en 24 heures.
  • Prambanan l’Hindouïste, une ode au Ramayana, l’épopée où l’on voit Rama (avatar de Vishnu) partir à la quête de sa légitimité. L’ensemble de stupas est prodigieux, le site est enserré dans les excroissances de la ville, promis à étouffement. Capitalisant sur l’expérience acquise avec l’UNESCO à Borobudur, les autorités archéologiques locales ont pris en charge la réfection et l’entretien du temple : repérage des pierres, démontage, réfection éventuelle, investigation, etc… A ce jour, la situation est la suivante : tient debout ce qui n’est pas encore tombé et de nombreux tas de cailloux préfigurent les stupas glorieux remis en état un jour prochain – manque de budget, peut-être, de volonté surtout car la communauté Hindou serait prête à prendre en charge. Pas besoin de faire un dessin.

Jogya, l’enfer et la désespérance acculturelle. No fun. Nous avions abordé les drôles de relations entre la Science et l’Islam, le hasard fait qu’ici l’Art et l’Islam croisent leurs routes sans qu’il n’en reste grand-chose de notable. 

Petit jour à Borobudur, avant que les hordes ne viennent envahir le site où des hauts parleurs diffusent à longueur de journée l'ordre de ne pas escalader les stupas

Petit jour à Borobudur, avant que les hordes ne viennent envahir le site où des hauts parleurs diffusent à longueur de journée l’ordre de ne pas escalader les stupas

Chaque stupa abritait un Buddha

Chaque stupa abritait un Buddha

Prambanan

Prambanan

Au dessus du porche d'entrée du Kraton à Yogyakarta

Au dessus du porche d’entrée du Kraton à Yogyakarta

 

Yogyakarta - Bonsaï Et pourtant la nature est rieuse

Yogyakarta – Bonsaï
Et pourtant la nature est rieuse 🙂

 

Imam ou Politburo – Vert ou rouge.

Au Sud de l’Equateur

2 Octobre 1965 – Jakarta – le Général Mohamed Suharto prend la tête de l’Armée, accuse le Parti Communiste (PKI) de tentative de coup d’état et appelle à l’annihilation de ses partisans. La nuit précédente, six Généraux ont été assassinés, officiellement « enlevés puis castrés par l’aile féminine du Parti Communiste, les Gerwani » ; belle image du communiste, fourbe, athée et sexuellement pervers qui emporte l’adhésion des foules dans un pays très croyant.

Suharto, tout comme d’autres officiers supérieurs, refuse l’orientation séculaire donnée par Sukarno, le père de l’indépendance, à sa politique, tout comme il refuse la constitution d’un axe Pékin-Djakarta. Il prendra officiellement le pouvoir en mars 1966 et instaurera un Ordre Nouveau… qui perdura le temps de six mandats successifs.

Tout ceci serait anecdotique si l’appel à l’annihilation des partisans du PKI n’avait été suivi d’effets, et quels effets : les estimations varient de 1 à 3 millions de tués et d’innombrables déportés (sur l’île de Buru dans les Moluques, un paradis tropical), ce qui en fait un des actes criminels les plus significatifs du XXème siècle. Toutes les tendances de l’Islam Indonésien ont activement participé, de concert avec les militaires, à l’élimination des communistes et (d’une pierre deux coups) à la lutte contre les Chinois (concurrents de longue date). Par rapport aux années 1950, la diversité des idées s’est appauvrie. L’interdiction du communisme a accru la prédominance de l’Islam comme refuge moral et seule expression de protestation contre les inégalités sociales et économiques.

Il est notable que ce renversement stratégique de l’Indonésie en 1965 tombe à pic pour les Etats-Unis et l’Europe qui se trouvent déjà aux prises avec l’URSS et la Chine. Les Etats-Unis ont toujours officiellement nié toute implication. Ce ne serait pourtant pas la première fois que la Bible et le Coran se retrouvent alliés objectifs, la dynastie des Saoud en est une illustration croquignolette….

La chape de plomb est tombée, 50 ans plus tard, peu ne filtre.

 

Au Nord de l’Equateur

L’explosion de la fédération Malaise en 1962 par l’expulsion de Singapour a laissé des traces sévères. L’histoire réécrite en attribue la responsabilité à la cité-Etat. Il n’est de voir que les larmes de Lee Kuan Yew à l’annonce de la chose pour s’en convaincre. A la décolonisation par les Anglais, la fédération Malaise comprenait un ensemble de Sultanats (Johor, Sabah, Sarawak, Penang…) majoritairement Malais PLUS une île, majoritairement Chinoise, gouvernée par le PAP (People Action Party) de Lee Kuan Yew, lequel s’appuyait sur les seules structures existantes… eg. les cadres déjà formés par Mao and co…. Inutile de dire que le gros de la troupe (les Sultans, sans référence mal placée à leur corpulence) a rejeté le corps étranger, la peur du coco, bye bye Singapour. Ce dernier leur rendit, en moins d’une génération, la monnaie de la pièce, hi, hi.

 

Le  Communisme est-il soluble dans  l’Islam ?

D’un côté, ni Dieu ni maître, de l’autre, il n’est qu’un Dieu et Mohamed est son prophète…  un peu comme l’huile et l’eau… immiscible ; « il ne peut pas ne pas y en avoir tout en y en ayant un », on sait que Dieu est mystère mais là, c’est trop….

La plupart des pays sous régime Communiste n’ont guère facilité la vie des Eglises au sens large, de là à interdire les religions, c’est un pas que bien peu ont franchi sur une longue période. Tant que l’Eglise reste assujettie au parti et que ce dernier peut en contrôler les activités « subversives », pas trop de problème. On a même parfois certains exemples cocasses où le pouvoir central parvient à imposer ses valeurs à des Eglises rétrogrades ; c’est le cas en Chine par exemple où au nom de l’égalité homme/femme, certaines régions imposent des Imans féminins, si, si…

A contrario, difficile de trouver un pays majoritairement Musulman qui soit devenu Communiste ou qui accorde une place « raisonnable » à un parti Communiste. Pour l’instant on cherche [l’Algérie fut un laboratoire intéressant mais cela nous amènerait trop loin].

Les textes sont très clair, les religions autres, pour peu qu’elles soient monothéistes ou réductibles avec tortillements à une vision monothéiste, sont juste dans l’erreur et doivent être accompagnées pour apprendre à découvrir la seule, unique, véridique religion. L’athée par contre sssshhhhh, Shaïtan en personne, l’incarnation du mal, figure d’apostat etc… c’est une question de vie ou de mort de la construction Musulmane spécifiquement : en effet, s’agirait-il de théologie ou de dimension spirituelle, pas de souci mais il s’agit également d’organisation sociale, juridique,  politique de la société ; il est impossible de tolérer que certains éléments fondamentaux de la Sharia comme l’exécution de l’apostat et de l’athée ou bien la notion de propriété privée ne soient que symboliques.

Des deux grands totalitarismes considérés, l’un à parti unique, l’autre protéiforme sous le contrôle des Oulémas, le plus sectaire n’est peut-être pas celui qu’on imagine…

 

 

Suites Indonésiennes – le point de vue d’Yodyssey

En 2012, la tournée mondiale de la sulfureuse Lady Gaga passe par l’Indonésie. La jeunesse en est fana, le look, la dance, l’engagement. Les organisations bien pensantes s’en émeuvent et font pression auprès des ministères afin  d’obtenir l‘interdiction des concerts. Djoko Suyanto ministre de la Justice, des Affaires Politiques et de la Sécurité répond laconiquement par texto « EGP », de l’argot de rue (Emang Gue Pikerin), du langage de djeun, en bref « rien à foutre ». Le concert sera pourtant annulé.

Cette historiette illustre à merveille les tensions centripètes  auxquelles est soumis ce pays depuis son plus jeune âge, qui le rendent si attrayant mais tout aussi difficilement compréhensible.

Nous y avons  passé quatre mois, plus que dans tout autre pays (hors hivernage au Kiwiland) que nous avons traversé. En résumé un pays attachant par sa diversité, son enthousiasme et sa jeunesse (nation vieille de 70 ans), par son souci constant de trouver des réponses originales, mais usant en raison de la pression permanente de la croissance démographique, des projets inaboutis, des solutions demi-mesures et de la perception de la pieuvre qui s’étend, favorisant les clivages et la peur et qui pourrait venir perturber les concepts fondateurs de l’Etat actuel.

Et y retourner ? Oui, oui, définitivement oui… il y a tellement d’endroits à découvrir, à plonger, à marcher, à regarder, à discuter. Le budget, peu contraignant, la sécurité, pas de problème majeur…. l’archipel compte juste 16 000 îles, c’est un projet à part entière que d’y vouloir naviguer…

  1. Exploration nautique

L’Indonésie est LE continent maritime, le voilier est un excellent moyen de le découvrir.

De plus, si on prend garde de respecter les contraintes des vents de mousson, il ne présente pas d’incertitudes météo majeures. C’est à Komodo que nous avons eu le plus de surprises : vents catabiatiques violents au Sud de Rinca, courants de marées imprévisibles forts entre les iles. La mer blanche de Banda reste un souvenir inoubliable. Les populations, hormis dans certains villages pervertis on ne se doute trop par qui et comment, sont curieuses, prêtes à aider, trop même parfois, et apprécient toute occasion d’échanger des sourires, des idées, du poisson, des hameçons… La réputation de tracasseries administratives voire de corruption à tous les échelons s’est révélée infondée ; la suppression du CAIT (permis de naviguer obligatoire donné pour une durée limitée) ne pourra que faciliter l’administratif. L’approvisionnement est aisé si l’on accepte de se nourrir de produits locaux et de limiter la consommation d’alcool. Le débit du réseau internet est raisonnable (presque) partout. L’apprentissage du Bahasa (malais) est un investissement judicieux, parlé par 300 millions d’individus, la langue est simple de structure et fait tomber bien des barrières.

Mais ce bassin incite pour l’instant peu à la plaisance : les infos sont parcimonieuses, les structures d’accueil inexistantes ou inadaptées, les mouillages souvent profonds, ou bien ont-ils disparus suite à l’implantation de fermes aquacoles. La communauté de voileux se limite à une centaine de bateaux par an dont la majeure partie sont Américains, Australiens ou Néo-Zélandais qui effectuent une boucle dans le Pacifique ou vont s’échouer dans le désormais cul de sac -depuis que la mer Rouge est fermée- de Thaïlande ou des Langkawi.

On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’une navigation en situation d’isolement, bien au contraire, il y a vraiment du monde, beaucoup de monde, par contre en situation d’autonomie, oui, très clairement ; ceci nécessite une attention permanente génératrice de tension constante. Not easy.

2. Perspective historique

L’Indonésie (avec la Malaisie) a été fortement marquée par :

  • les empires Indianisés jusqu’au 15ème siècle, structure & culture
  • la conversion Musulmane & l’arrivée des Chinois 15ème-17ème siècle, avènement des princes marchands
  • la prédation Européenne 18ème-20ème siècle, partition forcée, aux Anglais le Nord, aux Hollandais le Sud.

Deux siècles de férule Hollandaise balayés en 1945, c’est un pays sans infrastructures aucune, sans cadres (hors Imans), sans écoles (hors madrasas) qui va tout inventer à partir de 1949, y compris cette route commune avec l’Inde des non-alignés… Beaucoup reste à faire et d’aucuns voient le verre vide mais quelles performances et quels challenges : tout le monde mange, les fluides vitaux, eau, électricité, internet sont accessibles, le PIB par habitant est passé de 60 à 600$/an, sans états d’âmes et ceux qui ne sont pas avec le pouvoir central sont réputés contre, couic.

3. Retour dans la cour des grands….

Pendant que l’Indonésie, pays le plus touché par la crise financière asiatique de 1998, empêtrée dans des considérations de successions politiques peine à se relever (depuis 25 ans il faut bien le dire), la Malaisie et Singapour ont pris une avance considérable. Aujourd’hui alors que débute une période politique plus stable, l’Indonésie se pique de rattraper peu à peu ses voisins et vise également à normaliser ses relations avec l’Australie…

Pour cela, elle dispose d’avantages concurrentiels certains. Sur bon nombre d’indicateurs, l’Indonésie arrive souvent dans les 5 premiers : population, superficie, biodiversité, pétrole, bois, huile de palme, métaux, terres rares, telcom, développement des énergies durables, riz, pêche,… ce qui la place en très bonne position pour acquérir une reconnaissance régionale et une place influente dans le groupe des pays musulmans.

Mais la reprise économique tout comme la situation florissante d’avant l’effondrement repose essentiellement sur l’exploitation et l’exportation sans discernement de ces richesses, souvent en raison de l’incapacité à opérer les processus de transformation/valorisation sur place. Il en résulte gaspillage et appauvrissement.

4…mais une gestion des Ressources Humaines calamiteuse…

Le pourcentage de la population vivant avec moins de 2 $/ jour a considérablement baissé en 15 ans (1995 : 75% –  2010 : 46%). Mais il est à mettre en regard avec celui de la Malaisie (2%) et de la Thaïlande (5%).

Malgré un taux de scolarisation élevé, le niveau d’éducation est faible. Le corps professoral souvent obligé d’exercer un second métier démontre une incompétence notoire. Il en résulte un taux d’alphabétisation réel, un accès aux mathématiques de base parmi les plus bas au monde et un chômage massif (>25%) malgré les besoins, qui reflète crûment l’inadéquation niveau d’éducation/emploi. L’expatriation pour des emplois peu qualifiés –un semi esclavage- est la norme.

Les Javanais les plus entreprenants sont incités à tenter l’aventure du Far-Ouest en entrant dans des programmes de « transmigratie », offrant un lopin de terre remboursable sur 15 ans en Papouasie, à Sumatra, Bornéo, à mettre en valeur et où la réduction de la diversité ethnique est un objectif non-avoué.

Les minorités raciales, religieuses ou politiques sont maltraitées.

La décentralisation menée depuis les années 2000 avait comme objectif d’harmoniser le développement des iles et de minimiser les velléités de sécession des régions les plus puissantes. La conséquence est une bureaucratie foisonnante, une confusion administrative, un frein à la prise de décision et une corruption rampante.

« Bhinneka Tunggal Ika »: unité dans la diversité – pas sûr que la devise nationale fasse sens.

  1. …laisse la place aux censeurs.

L’Indonésie, plus grand pays Musulman au monde. Quelle drôle d’étiquette ! Comme si c’était l’unique dénominateur commun, suffisant pour effacer l’incroyable diversité de ce pays.

Le fait Musulman est présent, très, c’est un enjeu de pouvoir (peu de candidat à quelque élection que ce soit qui ne se vante d’avoir fait le pèlerinage), c’est un enjeu économique de captation du zakat Saoudi (les mosquées sont relookées Moyen-Orient), c’est un enjeu social de maintien de la condition féminine « à sa place »,… La liste serait longue.

De nos observations, le fait Musulman en Indonésie est tout sauf une force de progrès, inutile de s’appesantir sur le sujet, par contre la question à 100000000 Roupies est de savoir s’il parviendra à éteindre la flamme d’énergie d’une population projetée dans la vie, à tourner ce petit paradis en un lieu de grisaille où les gens rasent les murs.

Nous ne le souhaitons pas…

 

 

Goodbye Indonesia

Et le 19 novembre 2015, en compagnie de notre ami Christophe H., cap au Nord, le « Yo ! » quitte les eaux Indonésiennes, enquille le détroit de Singapour et change de monde…..

We sail tonight for Singapore
We’re all as mad as hatters here
I’ve fallen for tawny moor
Took off to the land of Nod
Drank with all the Chinamen
Walked the sewers of Paris
I danced along a colored wind
Dangled from a rope of sand
You must say goodbye to me.

S 11-19 and we sail to spore 2

We sail tonight for Singapore
Don’t fall asleep while you’re ashore
Cross your heart and hope to die
When you hear the children cry.
Let marrow bone and cleaver choose
While making feet for children shoes
Through the alley Back from Hell
When you hear that steeple bell
You must say goodbye to me

Wipe him down with gasoline
Till his arms are hard and mean,
From now on boys this iron boat’s your home
So heave away boys.

S 11-19 and we sail to spore 1

We sail tonight for Singapore
Take your blankets from the floor
Wash your mouth out by the door
The whole town is made of iron ore
Every witness turns to steam
They all become Italian dreams
Fill your pockets up with earth
Get yourself a dollar’s worth
Away boys, away, boys, heave away

The captain is a one-armed dwarf
He’s throwing dice along the wharf
In the land of the blind, the one-eyed man is King
So take this ring

*Paroles Tomi Waitsu (1985)

 

Avec nos meilleures pensées, Santé et Sobriété,

Stéphanie / Christophe

Hong Kong – République Populaire de Chine

17 mai 2016

www.yodyssey.com