“OSCAR m’a sauver”

 

Yo ! au mouillage de Puerto Villamil

Yo ! au mouillage de Puerto Villamil

 

11 mai – 6h30 heure locale  (UTC – 7) Yo! est sur ancre à Puerto Villamil au Sud de l’île d’Isabela dans l’archipel des Galápagos : 00° S 58.0 – 90° W 57.7. Les îlets Tintoreras protègent le petit mouillage de la grande houle du Sud que l’on voit briser. Généralement ce sont les dauphins qui nous accueillent lors des atterrissages, cette fois, ce sont les requins. Au mouillage une petite dizaine de bateaux, les otaries sont reines, les fous de Bassan ont les pieds bleus et les pingouins sont très affairés.

 

Dur dur d'être une otarie

Dur dur d’être une otarie!

 

Nous sommes épuisés mais ravis, la première navigation Pacifique fut un régal et, en toute modestie, nous qui sommes les champions du monde de la modestie, nous sommes un peu fiers de nos choix stratégiques qui nous ont permis d’effectuer la traversée Panama/Galápagos (1 000 MN) en 9 jours avec 20 heures de moteur seulement pour ce qui est donné comme une des pires étapes tour-du-mondiste  en raison de l’absence de vent résultant de la présence de la ZCIT (Zone de Convergence Inter Tropicale) autre dénomination, pseudo-scientifique, de l’abominable et malfaisant POT AU NOIR

Route depuis l'Archipel des Perlas (Sud Panama)

Route depuis l’Archipel des Perlas (Sud Panama)

 

Le décor climatologique : autour de l’équateur, une zone de basse pression caractérisée par une absence de vent notoire et une zone de convergence orageuse plus ou moins sévère.

Les recommandations du pape de la navigation hauturière Jimmy Cornell : quitter le golfe de Panama en profitant des alizés Nord-Est échappés de l’Atlantique, descendre à l’Est de l’île de Malpélo au large de la Colombie jusqu’au 3°Nord (le plus vraisemblablement au moteur), puis récupérer les alizés de Sud-Est, empocher Humboldt réputé pour ses résurgences d’eau froide le long de la côte Chili/Pérou (paradoxalement ce courant engendre une condensation incroyable au large des côtes chilienne et péruvienne qui forme un véritable écran aux influences océaniques venues du Pacifique et crée, au bord même de la mer, un des déserts les plus absolus du monde – l’Atacama en fait partie) et se laisser porter.

A partir des informations récupérées aux Perlas (une escale peu recommandable les Perlas…) fin Avril nous commençons à supposer que les conditions attendues ne seront pas forcément au rendez-vous. Tout d’abord, une forte présomption de phénomène El Nino pour la deuxième partie de l’année 2014 qui viendra perturber tous les schémas météorologiques classiques, puis la récupération de la carte des courants du logiciel OSCAR (Ocean Surface Current Analysis Real Time) de la NOAA nous laisse penser que le courant d’Humboldt n’est pas là et que pire, l’équateur est ceint d’une large bande de courant portant à l’Est. La ZCIT est déjà très largement remontée au Nord –il ne sera donc pas nécessaire de la traverser- mais n’exempte pas de forts phénomènes de convergence orageuse et d’absence de vent – le Thalweg de Mousson comme disent les Gilots Empetrés. Enfin les fichiers vent (Gribs) témoignent plus au Sud d’une absence d’alizés de Sud- Est flagrante.

 

Carte des courants extraite d’OSCAR

Carte des courants extraite d’OSCAR

Ca s’annonce donc galère.

 

La navigation débute par une alternance de vents variables et de pétoles dans le golfe de Panama, une chaleur à crever, d’immenses formations orageuses et bien évidemment la nuit, déboulent les graupels qui s’en donnent à cœur joie. Rien que le nom, tout un programme : en fait il s’agit de particules de glace qui possèdent des vitesses de chute de l’ordre d’un mètre par seconde dans le nuage, en collision avec les cristaux qui sont eux (du fait de leur structure fractale) en quasi suspension, ce qui génère les charges électriques propres aux éclairs. Et donc, oui, il y a des graupels absolument partout, d’énormes masses nuageuses et noires qui s’éclairent subitement sur des hauteurs et distances incroyables… pas glop.

La plupart des décharges sont internes aux nuages mais parfois viennent nuage/sol ou mer (foudre) et on aime pas du tout même si “Yo!” fait un peu cage de Faraday. Du coup, black-out, nous débranchons toute l’électronique, à l’ancienne.

Puis ça continue. Au matin, ciel complètement bouché, houle d’Ouest, et bien sûr la dernière couche, la pluie, des trombes qui tuent le vent, ne restent que la houle, l’eau mouillée qui dégouline… Seul point positif, le seau à l’extrémité de la bôme produit ses 20 litres d’eau douce… à la Moitessier.

Milieu de journée, c’est la panne sèche. SOG (Speed Over Ground = Vitesse fond) égale à 0. Moteur  arrêté, on ne dérive même pas. On regarde fonctionner la machine à nuages avant qu’ils ne se vident derrière de grands rideaux noirs.

J + 3 : enfin Malpelo : des falaises plantées dans la mer sur plus de mille mètres de fond. Un couple d’orques nous rend visite. Ces espèces de gros machins noirs et blancs qui chassent les baleines… Curieux, ils foncent sur nous. Peut-être pensent-ils que la carène blanche de « Yo! » est comestible. En tout cas, de sacrés morceaux. Bien contents d’être protégés par le portique sur l’arrière dès fois que ça saute pour nous crouter !

J+4 : l’aboutissement de longues heures d’analyse et de discussions, genre les Opiaces contre les Coriaces (nous avons des lettres…), il est vraiment temps de challenger les classiques et nous tranchons au petit matin: route directe sur les Galápagos.

 

Pour remettre dans le contexte:

Option Cornélienne (de Cornell, le pape pas le classique des Horaces et Curiaces) : descendre très au Sud (quasi sur l’équateur) avant de mettre cap à l’Ouest. Les raisons invoquées sont : traversée perpendiculaire de la ZCIT (pot au noir) donc au plus court (mais au moteur), courant portant sur la route Sud et au point d’inflexion vers l’Ouest, récupération du monstrueux courant de Humboldt qui porte Nord-Ouest puis Ouest et qu’il ne faut pas prendre trop tôt autrement on rate les Galapagos (c’est arrivé, si, si).

Option El Nino (hypothèse de la mise en place d’un évènement El Nino) : résultant d’un ensemble d’éléments majeurs à l’échelle synoptique, le phénomène El Nino conduit à une inversion de flux significative. Au lieu d’être poussées Est vers Ouest par Humboldt et les Alizés, les eaux chaudes du Pacifique Ouest (Australie/Nouvelle Calédonie) reviennent massivement sur l’Est, détournant Humboldt, affaiblissant les Alizés, modifiant la position de la ZCIT et engendrant une tétra-chiée de phénomènes induits en cascade (moins de cyclones dans l’Atlantique mais plus dans le Pacifique, sécheresse accrue sur l’Océanie/Asie/Afrique, inondations en Amérique du Sud, régimes de mousson perturbés, vagues de chaleur etc…)

S’il y a émergence d’un phénomène El Nino on devrait voir des courants portant à l’Est (sans relation, notons au passage que le Captain porte à gauche). Certains sites (OSCAR de la NOAA par exemple) semblent l’indiquer mais les mesures par altimétrie en sont à leurs balbutiements.

 

Très schématique structure Ouest-Est d'un phénomène El Nino

Très schématique structure Ouest-Est d’un phénomène El Nino

 

Et bien, à nouveau, approche Bayésienne, Révérend nous voilà : on a relevé et comparé consciencieusement  pendant 24 heures les vitesses et routes fond via GPS et bato, fait de savants calculs de trigonométrie afin de modéliser les courants qui nous affectent. Ces mesures permettent de déterminer la présence d’un courant plus ou moins constant d’environ 1,5 noeuds portant à l’Est peu compatible avec les prémisses Cornéliens. Par contre, cela augmente la vraisemblance de l’option El Nino (comme un remake d’« Oscar m’a sauver »).

Conclusion : Si l’on suit cette logique et que l’on admet la fiabilité des prévisions de champs de vent sur la semaine à venir, le débat Cornélien/Bayésien est tranché : option deux. Il en résulte le choix d’une route directe vers les Galápagos afin de minimiser l’impact du courant, car il ne s’agit pas de descendre sur l’équateur pour ensuite se taper 600nm avec le courant dans le nez.

 

Et donc à partir de J+4, nous implémentons ce choix stratégique avec persévérance et opiniâtreté, car cela conduit à une route au près serré : ça gite fort, ça cogne fort, ça bouge beaucoup. Les miles utiles journaliers sont d’abord d’un rapport de 75%, avant d’atteindre 98%. Ça commence à ressembler à la route vers les Galapaglop. Surtout quand le vent forcit : S/SSE Force 5 établi, rafales à 6 et mer formée. On cherche toujours le courant de Humboldt, mais le courant s’établi peu à peu au Sud puis à l’Est, ce qui nous permet de faire une route rapide à quelques degrés d’écart de la route vers Santa Cruz.

 

A J+9, le 10 mai à 3h27, nous franchissons l’équateur par 89° Ouest. Nous ne sommes plus qu’à 92 NM de Isabela. A cette occasion, le Capitaine et l’équipage au complet sont réunis sur le pont pour les offrandes à Neptune (un verre de champagne bien tassé par personne – merci Vincent !) puis savourer le moment sans trop de charivari.

Il a été reporté dans la littérature qu’il était acceptable que les offrandes aient été filtrées par les reins mais nous en doutons et, sans être pour autant superstitieux, avons effectué une cérémonie du plus grand classicisme.

Pour ceux qui aiment les chiffres ronds, nous sommes partis de 45° Nord, 0° Ouest (Greenwich) et franchissons la ligne par 0° Nord, 90° Ouest, il y a du Pythagore qui traine dans ces angles !

Pour ceux qui aiment les chiffres ronds, nous sommes partis de 45° Nord, 0° Ouest (Greenwich) et franchissons la ligne par 0° Nord, 90° Ouest, il y a du Pythagore qui traine dans ces angles !

Le lendemain, reste plus qu’à assurer un atterrissage sans carte. Mais c’est une autre histoire…

 

Tortuga Island – Atterrissage Isabela – Lever du soleil

Tortuga Island – Atterrissage Isabela – Lever du soleil

 

 

 

Apres avoir obtenu le très couteux et recherché « Permiso »valable 20 jours grâce à l’intercession de JC Sotto (Julius Caesar !) et moyennant l’évaporation de plusieurs centaines de dollars, nous installons la « Yo! chaire  d’éthonologie nautique » au cœur de l’archipel des Galápagos, la Mecque du Darwinisme, Salam Aleikoum…

 

8 iguana crossing

Darwin n’a passé que 5 semaines aux Galápagos, a sans aucun doute mangé de la tortue (au moins une trentaine ont été reporté cuisinées à bord de son navire le Beagle) et son bouquin phare “L’origine des Espèces” (l’OS pour les initiés) ne fait que très peu référence à l’archipel (p 410-412 principalement). Nous reviendrons sur le sujet!

Darwin s’est interrogé sur la problématique suivante : comment la vie une fois lancée s’est-elle développée avec une diversité et une complexité stupéfiante en donnant l’illusion d’un dessein intelligent ?

 

Tellement mignons..

Tellement mignons..

 

Au milieu du 19ème siècle, les savants sont à fond dans les découvertes globales, la mise en place d’éléments théoriques. Les idées tournent, s’enrichissent, chacun grimpant à tour de rôle sur les épaules de géant de ses collègues/prédécesseurs (quelques décennies plus tard, Albert s’appuiera sur les équations d’électro-magnétisme de Lorentz pour développer son tout relatif, il n’aurait rien pu faire tout seul).

Darwin quant à lui s’appuie sur Lamarck, le boss de la « philosophie zoologique » et Malthus « logique du principe de population », lit beaucoup et beaucoup, effectue des expériences, interagit tant et plus, embarque à bord du Beagle pour un périple de cinq ans autour du monde dont il revient en 1836, hérite, se pose et commence à réfléchir/rédiger. 22 ans plus tard, Wallace qui vit en Indonésie lui fait part par courrier de ses découvertes en matière de théorie de l’évolution, Darwin réalise que la paternité du machin risque de lui être soufflée et rédige rapidement un résumé (400 pages tout de même) de ses travaux, le célèbre « Origin of Species ».

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Il y fait montre d’une clarté d’analyse, de synthèse et d’ingéniosité rare pour l’époque.

Partant des expériences de domestication d’espèces (plantes/animaux) par l’homme lequel agit comme principe de sélection « artificielle », Darwin s’appuie sur les travaux de Malthus pour introduire la notion de compétition inter et intra espèces dans des environnements à ressources finies, et ainsi poser le principe de sélection « naturelle », sélection des traits avantageux dans la lutte pour la survie et donc augmentant la possibilité de reproduction , « la survie du plus apte ».

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Il pose ainsi les principes de SA théorie à lui (il semblait avoir un égo légèrement renforcé) qu’il nomme « descendance avec sélection naturelle », dans laquelle il introduit notamment les notions répandues de nos jours de co-ancêtre (pro géniteur), d’évolution sous pression physique et/ou géographique et/ou climatologique, de spéciation résultant de barrières, de préférence sexuelle, d’héritage de caractères joints (situés sur des locus proches), de mécanismes d’extinction d’espèces inadaptées  etc….

L’OS représente une moisson incroyable d’apports conceptuels à la biologie et à la compréhension par l’homme du monde dans lequel nous vivons.

 

Dans son bouquin, Darwin intuite deux apports ultérieurs majeurs mais bien évidemment, ne peut rien démontrer :

  • les mécanismes de transmission du patrimoine génétique dont Mendel définira les bases dès 1869 mais qui sera vraiment reconnu circa 1900
  • la théorie de la dérive des continents proposée par Wegener en 1912 mais finalement acceptée dans les années 1960…

Darwin s’est appliqué, avec les moyens du bord et une grande rigueur de raisonnement à déjouer par avance et avec grand succès les objections des « créationnistes » mais ceux-ci, bientôt 200 ans plus tard et en dépit des preuves accumulées, ne désarment pas et continuent à nous c*** les c***.

Pingouin....

Pingouin….

 

Un peu prudent le bougre, il a délibérément exclu l’humain de l’Origine des Espèces, gardant la patate chaude pour 1871 avec  « La descendance de l’homme » où il se décide à aborder l’ascendance animale de noszigues. On imagine le tollé.

 

D’aucun se souviendront du Marquis de Laplace (co-découvreur avec le Révérend Tom des probabilités Bayésiennes) lequel avait expliqué à Napoléon Bonaparte n’avoir pas eu « besoin de Dieu » pour justifier ses importantes avancées en mécanique céleste ; de même, Darwin en ce qui concerne le vivant propose une théorie générale qui ne nécessite en rien l’intervention d’un principe supérieur. La pilule est amère pour les déistes.

13 Pink Flamingos

 

So far, so good. Les fondations ayant été posées par le grand Charles, l’édifice a bien évolué depuis en une « théorie synthétique de l’évolution » qui intègre notamment la génétique et est communément acceptée par les scientifiques.

On notera au passage, que selon cette théorie, il n’y a pas d’entité créatrice qui donne subitement vie à une espèce complètement et définitivement formée ce qui nous détourne d’un Intelligent Design sans pour autant renoncer aux mythes.

En dépit de nos formations/déformations scolaires, il est essentiel d’intégrer que l’évolution n’a aucune finalité particulière; il s’agit juste d’un ensemble de mécanismes régulant la transmission du patrimoine génétique nécessaire à la réplication du vivant.

Les processus évolutionnistes se déroulent sur des centaines de millions d’années, des centaines de milliers de générations et plus la fréquence de réplication sera rapide (e.g. bactéries, bêtes aux grandes zoreilles), plus l’évolution sera opérante.

Cette échelle peu compatible avec l’échelle de la perception humaine, illustre le caractère graduel et cumulatif mais inconstant du phénomène dont le moindre des paradoxes apparents est le concept de co-ancêtre : les ancêtres de tout le monde sont communs à tous è il n’est pas exact de dire que l’homme descende du singe, mais plutôt qu’il y a environ 6 millions d’années les grands singes et les hominidés avaient un ancêtre commun ; nous avons tous évolués sur des chemins distincts à partir de lui (l’unique !!) mais il a bien existé et forcément s’est éteint car non adapté dans la course à la survie où ses descendants (grands singes et hominidés) se sont révélés plus aptes… (nous verserons une larme au passage sur notre proche cousin de Cro-Magnon impitoyablement exterminé par Homo Sapiens…RIP).

Cette formidable remontée dans l’espace-temps vers un co-ancêtre unique (la première bactérie) est schématisée dans l’échelle de Richard Dawkins ci-après, lequel Dawkins pousse le raisonnement aux limites  « les organismes sont des artifices inventés par les gènes pour les [les gènes] reproduire » ; en bref si l’objectif est la survie des gènes, l’homme (tout comme tout autre être vivant) n’est qu’un véhicule. Soyons humbles.

R Dawkins – Nos ancêtres… (click pour ouvrir)

 

 Les trois questions

Tribus de chasseurs-cueilleurs, l’espèce humaine a brutalement décollé il y a 10 000 ans  avec la domestication d’espèces végétales (blé, riz) et animales (caprins, loups etc) qui ont entrainé une sédentarisation massive dont a résulté l’invention de l’écriture, la goutte d’eau qui mit le feu aux poudres ;  la machine infernale du progrès était lancée.

Vu sous un autre angle, domestication, sédentarisation, accumulation de savoir, règles de vie en société (code Hammurabi), élaboration d’éthiques (religions, philosophies) sont autant d’illustrations du formidable effort de l’espèce humaine afin de s’affranchir de la sélection naturelle.

Ceci s’est accéléré avec les grandes découvertes, la révolution industrielle, l’urbanisation puis la mise au point de médicaments et autres modificateurs de comportement qui permettent artificiellement de trafiquer l’espérance de vie tout comme les mécanismes de reproduction.

14 human evolution

Les conséquences en sont :

  • une densité humaine qui rend la préservation du patrimoine génétique humain inutile (en quoi mon patrimoine génétique se distingue-t-il et améliore-t-il la survie de l’espèce lorsque nous sommes huit milliards ?)
  •  un lissage des critères de survie par globalisation et uniformisation des conditions de survie (la réduction de la mortalité infantile provient-elle de l’amélioration des bébés à la naissance ?)
  • le maintien de catégories de populations notoirement inadaptées alors que le pillage des ressources de la planète s’accroit (par charité, nous ne citerons pas d’exemple).

 Question 1 : pensez-vous que l’espèce humaine se soit affranchie de la « sélection naturelle » ?

 

Parallèlement, on constate une inadéquation des échelles temps. La fréquence d’adaptation culturelle au sein d’une même génération est largement supérieure au temps d’adaptation génétique.

Question 2 : pourrait-on alors parler d’un nouveau Darwinisme propre à l’espèce humaine, qui traduirait une formalisation de la transmission de l’information par des moyens non génétiques ?

 

Enfin, revenant à notre bon Charles et à la théorie de l’évolution, on sait que toute espèce, en dépit du fait qu’elle ait bénéficié de mutations favorables sur de longues périodes, garde une probabilité quasi constante de s’éteindre principalement du fait de modification majeures de l’environnement, (climat, ressources, autres espèces…). Peu importe la puissance d’aujourd’hui, il faut quand même survivre demain… dans « Alice de l’autre côté du miroir »  La Reine Rouge : « It takes all the running you can do, to keep in the same place »

Question 3: l’espèce humaine, à travers le progrès scientifique initié par la civilisation dominante,  a-t-elle pris  l’autocontrôle de son évolution ?

 

Un peu de légèreté que diable,  revenons aux Galápagos et à ce magnifique contre-sens biologico-touristique, la Tortue Terrestre – cela nous changera du Pélican, le lecteur attentif notera que Gotlib a immortalisé les deux.

Tortue des Galápagos. Totalement inadaptée au monde actuel, elle ne survit que dans les centres d’élevage.

Tortue des Galápagos. Totalement inadaptée au monde actuel, elle ne survit que dans les centres d’élevage.

 

Les tortues des Galápagos sont originaires du continent Américain, tout comme les oiseaux et les plantes (il n’y a jamais de mammifères sur les îles océaniques trop éloignées des côtes, événtuellement des chauve-souris pour les plus proches). C’est en fait une population arriérée, n’ayant subie aucune transformation depuis des millénaires en l’absence de prédateurs et de pression environnementale, bref une survivance du passé (comme pourraient l’être nos cousins Cro-Magnons auraient-ils été isolés sur une île que l’on découvrirait aujourd’hui). Cette population a drastiquement baissé depuis la date de la découverte de l’archipel, la colonisation par l’homme et l’introduction de mammifères prédateurs. Elle fait donc aujourd’hui l’objet d’un programme spécifique destiné à sauver les spécimens existants.

En raison des afflux de touristes et malgré un contrôle très strict de la communauté scientifique internationale et du gouvernement Equatorien, la population des îles est multipliée par 2. Ces touristes, en grande majorité américains et fortunés, pour lesquels la rareté et l’exclusivité sont organisés par la pratique de tarifs aberrants (6000$ la semaine), viennent s’esbaudir devant « l’incroyable » biodiversité. Ils sont convaincus d’approcher des espèces originales, preuves vivantes de la théorie de l’évolution dont la placidité est une illustration de la béatitude d’avant la chute (le serpent, la pomme, tout ça…).

Au contraire, nous le percevons comme un message perverti : une espèce dominante en voie de disparition vient à la rencontre d’autres espèces inadaptées de par le blocage (par isolement) de leur évolution. L’autre côté du miroir….

 

 

 

Au XIXème  siècle, l’archipel des Galapagos était une base importante pour la chasse à la baleine. Sur chaque bateau des tortues étaient chargées comme réserve de viande fraîche, en précipitant l’effondrement de la population.

Au XIXème siècle, l’archipel des Galapagos était une base importante pour la chasse à la baleine. Sur chaque bateau des tortues étaient chargées comme réserve de viande fraîche, en précipitant l’effondrement de la population.

 

Pas fâchés d’abandonner les impasses évolutionnistes sur leur cailloux de lave, nous nous apprêtons à nous élancer pour la traversée de 3000 miles d’étendue bleue et salée, direction les Marquises, de 20 à 30 jours de mer, de quoi réfléchir…

 

Passager clandestin. L’amènera-t-on jusqu’aux Marquises ? Bien cuisiné, cela pourrait en rendre plus d’un heureux.

Passager clandestin. L’amènera-t-on jusqu’aux Marquises ?
Bien cuisiné, cela pourrait en rendre plus d’un heureux.

 

Avec nos meilleures pensées, Santé et Sobriété,

Stéphanie / Christophe

Puerto Villamil – Isabela – Galapagos – Ecuador

25 mai 2014

www.yodyssey.com

 

Pour en savoir un peu plus :

L’Origine des Espèces (OS) – Darwin – 1ère édition, c’est le top.

Il était une fois nos ancêtres – Richard Dawkins

 

Just for the fun :

Sketchs Bestiaire d’amour (Green porno) d’ Isabella  Rosselini joués à la salle Gaveau tout de même !

 

Pour rêver aux extensions en neurosciences de la théorie de Darwin (idéal à écouter en podcasts la nuit à la barre) :

L’émission sur France Inter de JC Ameisen : « Sur les épaules de Darwin ».

 

La dragée Fuca du Canal

 

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Panama City by night

 

Le 7 Avril, « Yo ! » se balance nonchalamment  amarré à  une bouée du Balboa Yacht Club, à la sortie Pacifique du Canal de Panama, le pont des Amériques surplombant la mâture et quelques jours plus tard,  au mouillage devant la skyline de Panama City (Balboa n’est en fait qu’un quartier de la capitale) – mouillage original et rare, bizarre de contraste : les bidonvilles et le luxe, sans profondeur, conforme à notre imaginaire rapport à l’Amérique Centrale.

 

Directement issus de tribus indiennes métissées et pour lesquelles Charles Quint, les grands d’Espagne tiennent lieu de passé en ayant supplanté les traditions orales, cet ensemble d’Etats affiche un net manque de maturité – l’Afrique et l’Asie semblent bien mieux résister au rouleau compresseur  « Westernised ».

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Musée F Gehry sur la biodiversité en report permanent d’inauguration, lorsque les problèmes d’infiltrations dans les fondations seront résolues.  

 

Le Panama tient une place particulière dans l’imaginaire, le chapeau, le scandale financier sous la Troisième République, le Canal, l’isthme forcé de la main de l’homme … bref de nombreux angles d’attaque.

Nous en retiendrons, avec beaucoup de modestie (nous sommes les champions du monde de la modestie), deux:

–          le partage de notre expérience drôle et éprouvante du transit à bord d’un frêle esquif.

–          quelques aspects socio-économiques relatifs au gigantesque projet d’extension du Canal et la manière dont ce projet s’inscrit dans la géostratégie logistique mondiale.

 

Retour sur cette aventure sous haute tension: le transit

La préparation du passage s’est effectuée à Shelter Bay, marina sécurisée en face de Colon, le fond du trou du cul du monde Atlantique, noir et or, la ville respire la criminalité, l’argent du Canal est aspiré sur la côte Pacifique, ne restent que les poubelles. C’est un lieu idéal pour remplir les démarches administratives dont la moindre n’est pas « l’admeasurement » (prise de mesure du navire, tous espars compris  afin de calculer le droit de passage) mené par un pingouin de l’Autorité du Canal de Panama (ACP) heureusement conditionné par les connaissances footballistiques du Capitaine. La veille du passage, notre agent Erick Galvez nous livre 4 aussières de 50 mètres et 8 énormes pare-battages destinés à protéger la carène des parois des écluses ou des bateaux auxquels nous serions accouplés. Nous retirons tout ce qui est susceptible de s’accrocher (perche IOR, pales de l’éolienne, moteur HB, capote…), protégeons les panneaux solaires, dégageons la cabine arrière puisque nous allons être 5 à dormir à bord sur le lac de Gatún et préparons 3 repas pour 6 personnes. Les ragots disent que si le «Transit Adviser », qu’il est obligatoire d’avoir à bord, n’est pas satisfait de ce qu’on lui sert, il peut commander des repas livrés aux frais du bateau en transit (repas à 30$ plus 80$ de frais de livraison!)

Enfin, pour Michel et Armand-Gabriel qui nous ont rejoints afin de partager cette expérience rare, répétition générale  de lancer d’aussière, de récupération de touline (petite boule en corde lestée, destinée à récupérer les aussières sur le quai dans les écluses), de nœuds de chaise et de taquet et validation par l’ensemble de l’équipage des différentes étapes.

 

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La forme de l’isthme de Panama fait que le canal s’étire du nord-ouest (Atlantique) au sud-est (Pacifique). Pour éviter la confusion, les autorités du canal classent les transits dans 2 catégories : direction nord (du Pacifique vers l’Atlantique) et direction sud (de l’Atlantique vers le Pacifique).

Le 6 avril à midi, nous sommes fin prêts, un « handliner » (teneur d’aussière) de location,  Mario,  nous rejoint car la règlementation impose quatre « handliners » en sus du Capitaine. Largué, appareillé, nous  prenons la direction du mouillage des « Flats » quelques miles avant la première écluse de Gatún où nous devons récupérer notre « Transit Adviser » (ce dernier ne prends pas la responsabilité des manœuvres, juste un rôle de conseiller spécifique aux petites unités, à l’inverse des pilotes embarqués à bord des cargos qui se substituent au Capitaine).

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Le canal accueille des yachts privés jusqu’aux gros navires de commerce. Les plus gros admis dans le canal sont appelés « Panamax » (65 000 tonnes de port – 300 mètres), à mettre en regard des « Suezmax » qui calent à 160 000 tonnes (mais les locaux n’apprécient guère qu’on leur parle de Suez).

En raison d’une différence d’altitude entre l’océan Atlantique et l’océan Pacifique, la construction du canal a nécessité la mise en place de 6 écluses selon un système conçu par Gustave Eiffel et repris par les Américains après l’échec du premier projet piloté par Ferdinand de Lesseps ; c’est là tout l’intérêt du passage, qui sinon se réduit à une ballade au moteur de 50 miles.

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Vers les écluses de Gatún.

La traversée pour un cargo prend 9 à 10 heures, elle s’étale pour les voiliers sur 2 jours. Les 3 écluses de Gatún, montantes, sont passées le premier jour. La nuit, les voiliers s’amarrent sur une tonne à l’entrée du lac de Gatún. Le deuxième jour, les voiliers traversent le lac au moteur à une vitesse minimum de 6 nœuds avant de franchir l’écluse de Pédro Miguel  puis un peu plus loin les deux écluses de Miraflores. A l’intérieur des écluses, les cargos sont tractés par de petites locomotives (mules) posées sur des rails disposés sur les murs des écluses, les plus petits bateaux (nous) sont amarrés par des aussières tenues à la main.

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Chaque écluse mesure 33,5m de large. Chaque chambre est  remplie en 8 minutes et par gravité de 100 000 m3 d’eau en provenance du lac de Gatún. Le dénivelé total est de 30 mètres ; à chaque fois, le bateau monte ou descend de 9 mètres. On peut imaginer les turbulences que cela occasionne – nos petites coques de noix en sont toutes pantoises. Ce n’est pourtant pas pour cette raison qu’il est vivement déconseillé de nager dans les écluses mais parce qu’elles seraient peuplées de crocodiles !

Apres la première écluse, nous constatons que « Yo! » n’est plus dans ses lignes, de l’eau sur la jupe ! Perte de flottabilité suspecte,  inquiétude, déclic, nous sommes en eau douce, Archimède m’a tuer ! Décidément, pas faits pour ça ! Le trip péniche, pas pour nous !

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Bye bye Atlantique, prenons de la hauteur

Le passage peut s’effectuer seul – passage le plus technique, les 4 « handliners » travaillent et de manière coordonnée !-, amarré à un tug (remorqueur) – seuls 2 « handliners » travaillent mais l’amarrage au tug présente des risques de choc ou de dégradation au niveau des barres de flèches-, ou « nested » (en nid), c’est-à-dire groupé avec 2 autres voiliers.

La première journée, nous sommes amarrés à un catamaran lui-même amarré à un « promène couillon ». Cool ! Hormis l’amarrage au cata, c’est le bateau mouche qui  gère les reprises d’aussières avec le quai lorsque le niveau monte.

 

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Dernière écluse de Gatún

 

La deuxième journée, nous sommes ré-amarrés à bâbord du cata, alors qu’il reçoit à tribord un autre voilier d’équipage Finlandais, pas très réveillé. Plus chaud ! Surtout lorsque les turbulences s’accroissent dans la dernière écluse de Miraflores où les eaux salées du Pacifique se mélangent à l’eau douce du lac. La qualité du passage dépend aussi de l’heure de la marée, car le marnage côté Pacifique atteint 6,55 mètres.

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Dernière écluse de Miraflores, guideliner sur le quai (lanceur de touline) et aussière tendue qui maintient le bateau au milieu de l’écluse.

 

Entre les 2 séries d’écluses se trouve le lac Gatún alimenté par la rivière Chagres : la construction d’un barrage  sur le Rio Chagres a permis d’inonder une grande vallée, donnant naissance au lac Gatún,  faisant office de  réservoir pour  le fonctionnement des écluses. Près d’un siècle plus tard, les souches remontent encore à la surface et les troncs semi immergés présentent un danger pour les bateaux en dehors des chenaux balisés.

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Ile au milieu du lac Gatún

Le travail des « handliners » (avant bâbord/tribord et arrière bâbord/tribord) est essentiel! Ils sont responsables d’accompagner le voilier lors de la montée et de la descente dans l’écluse en reprenant  ou choquant l’aussière elle-même frappée sur une bite sur le quai (de sacrées coquines les aussières).

Pour cela, il y a lieu de préparer un nœud de chaise à l’extrémité libre de l’aussière, de vérifier qu’elle part du taquet, passe à l’extérieur des filières avant de revenir sur le pont, rangée en glène (50 mètres de ficelle ! ) avec le grand nœud de chaise sur le dessus – faire simple.

Ensuite, il s’agit de réceptionner la touline lancée du quai (plus ou moins bien et plus ou moins coordonné avec l’avancée du bateau et le courant dans l’écluse : chaud à Miraflores quand un des « guide-liners » arrive en retard, essoufflé, sans casque, rate son lancer, se précipite sur la bite suivante…), de l‘attacher sur le nœud de chaise de l’aussière par un autre nœud de chaise qui sera récupéré sur le quai et posé sur la bite, puis reprendre le mou de façon synchronisée. Une fois les aussières tendues les portes s’ouvrent. Suivant que l’écluse est montante ou descendante, les « handliners » reprennent le mou ou laissent filer, pfew…

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« Handliner » en attente du GO. La tension est à son comble !

 

Le point délicat est de garder le bateau parallèle aux murs d’écluses et suffisamment éloigné. Compliqué lorsqu’il y du vent, du courant ou que certains équipiers sont moins rapides que d’autres (tout en intériorisation l’équipage finlandais !). Et pendant ce temps-là, le capitaine régule avec le moteur selon les instructions  du  « Transit Adviser » central.

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Sortie de la dernière écluse de Miraflores : première vue du Pacifique.

Tout ça pour ça ! Et oui, pour ça, LE PACIFIQUE, quand enfin s’ouvre la dernière porte et que se profilent au loin le Pont des Amériques et les grues de Balboa.

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Le port de portes containers de Balboa, opéré par une compagnie chinoise basée à Hong Kong, Hutchinson Whampoa dont le propriétaire Li Ka-shing est l’homme le plus riche de Chine.

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C’est vraiment le Nouveau Monde, les bus roulent sur l’eau, Jésus est dépassé.

 

Coloscopie du Canal

2014, correspond à l’année du centenaire de l’inauguration du canal, pour des travaux démarrés en 1882 et une estimation de plus de 20 000 morts suite aux épidémies de choléra, fièvre jaune (Gauguin en réchappa de justesse lorsqu’il fit le manœuvre pour 5$/j avant de tracer la route), malaria et accidents. Suite à l’échec français, la reprise et la finalisation des travaux ont été menés par les Américains après que les droits d’exploitation et de construction aient été cédés aux Etats-Unis en 1903, accompagné de l’octroi de la zone géographique du Canal par le gouvernement Panaméen. Cette cession est concomitante avec l’indépendance du Panama qui jusque-là faisait partie de la Grande Colombie fondée par Simon Bolivar et qui comprenait également le Venezuela, la Colombie, l’Equateur, une partie de la Guyane et du Nicaragua.

En 1977, suite à des émeutes contre la présence des Américains, Jimmy Carter a agréé la rétrocession de l’administration du Canal à la République du Panama, devenue effective le 31 Décembre 1999. Bien évidemment,  des doutes ont été émis quant à la capacité de l’Autorité du Canal à opérer le système de manière  efficace, mais en fait, c’est officiellement plutôt bien : l’Autorité du Canal (ACP) publie régulièrement l’indicateur Canal Water Time qui mesure le temps de transit des navires et montre que celui-ci s’améliore, de même  que diminue le nombre d’accidents alors que le trafic s’accroit.

Cette voie de passage qui représente 5% du trafic mondial et dont les principaux clients sont l’Amérique du Nord, la Chine, le Japon, le Chili et la Corée du Sud, reste considérée par les Etats-Unis comme une voie intérieure. Ainsi, les navires au pavillon Américain ont priorité sur les autres.

Mais de nos observations, cette priorité ne doit pas s’exercer très fréquemment : le trafic ne nous a pas paru saturé.

Les statistiques officielles annoncent 14 000 navires par an, soit près de 40 navires par jour. Pourtant, nous n’avons pas croisé lors de notre transit plus de 6 navires et il nous a été demandé de patienter 2 heures dans l’écluse Pedro Miguel en attendant que 2 bateaux aient fini de se croiser dans le « Gaillard Cut » sans perturbation aucune du trafic – étrange, planification pas très efficace, la crise économique a bon dos….

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Suceuse du Lac Gatún. L’Autorité du Canal est sans cesse en train d’effectuer des travaux : élargissement et rectification de « Gaillard Cut », creusement du lac de Gatún pour améliorer l’approvisionnement en eau, dragage des entrées Atlantique et Pacifique et amélioration de la flotte de locomotives.

Le chiffre d’affaires en 2009 atteint 1,4 milliards de dollars pour un résultat net de l’ordre de 400 millions de dollars siphonnés en partie par le gouvernement. Les droits sont fonction du tonnage ou bien du nombre d’EVP (équivalent vingt pieds = container classique de 38m3), du type de navire, de la cargaison ; à titre indicatif, en 2007, le coût était de 54$ par EVP, soit 0.1 centime par T-shirt… pas de quoi tuer le business, ah les effets d’échelle…

En 2012, 50% des navires transitant utilisent la largeur maximale des écluses. Ceci tend à justifier les travaux d’élargissement qui devaient être livrés pour le centenaire. Ces travaux doivent permettre le passage de porte-containers de 12 000 EVP (Panamax actuel : 4 000 EVP) et d’atteindre un trafic de 510 millions de tonnes en 2025 (280 millions de tonnes en 2005).

Les travaux d’élargissement ont été portés devant le peuple par voie de referendum en 2006 avec pour objectif de renforcer la vocation maritime du Canal, d’offrir une « route verte » à la planète, d’ancrer le pays dans un développement haute performance et de garantir du travail aux citoyens Panaméens. Le résultat du référendum est 78% de OUI pour un taux de participation de 43% (en ordre de grandeur rapporté au nombre d’habitants, l’extension  du canal représente un investissement par individu similaire à celui du programme nucléaire Français, les citoyens Panaméens ont été consultés, eux !).

Le projet lancé en 2007 comprend :

–          La construction de 2 jeux d’écluses : Atlantic Post Panamax et Pacific Post Panamax. Celles-ci possèderont chacune trois chambres et trois bassins de rétention d’eau destinées à récupérer l’eau et ainsi limiter le déversement de centaines de milliers de m3 d’eau douce dans l’océan à chaque éclusage, précipitant le vidage du lac ;

–          L’excavation de nouveaux canaux vers les nouvelles écluses.

–          L’élévation du niveau maximal d’exploitation du lac Gatún.

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Les nouvelles portes des écluses en attente d’être posées : 56 mètres de large, 31 mètres de haut et une épaisseur de 10 mètres. Les nouvelles écluses mesureront chacune 427 mètres de long sur 55 mètres de large pour une profondeur de 18,3 mètres, contre 304,8 mètres de long sur 33,5 mètres de large et 12,8 mètres de profondeur pour celles qui sont actuellement en service.

 Ce chantier est actuellement un des plus gros de la planète. On dénombre 76 grues géantes, 88 bétonnières, 47 excavatrices et pelleteuses qui creusent puis remplissent chaque jour 107 camions qui peuvent charger l’équivalent de 120 tonnes de rochers ou de terre pour un total de 150 millions de m3. Environ 20 000 ouvriers sont employés sur le chantier. Les travaux sont menés par un consortium international, le Groupe Uni Pour le Canal (GUPC) qui regroupe l’espagnol SACYR, l’italien IMPREGILO, le belge JAN de NUL et le constructeur panaméen CONSTRUCTORA URBANA.

Le coût du projet était initialement de 5,25 milliards de dollars, dont 2.3 milliards de dollars avancés par cinq banques internationales : la Banque Européenne d’Investissement, la Japan Bank for International Cooperation, l’Inter-American Development Bank, la Corporacion Andina de Fomento et l’International Finance. Le reste sera financé par les recettes liées au passage des bateaux. Après la mise en service, l’ACP table sur des revenus en hausse de 200 millions de dollars la première année, 400 millions la deuxième et 2 milliards la troisième.

Mais en raison de problèmes géologiques, le surcoût atteint en Février 2014 1,6 milliards de dollars. Pour l’entreprise espagnole SACYR qui dirige le consortium, c’est à l’ACP d’assumer ces surcoûts. Le chantier a donc connu une interruption de 2 semaines entre le 5 et le 20 Février pendant lesquelles des négociations ont été menées et auxquelles ont été mêlés l’Union Européenne et le Gouvernement Espagnol. L’aboutissement du chantier pour SACYR est crucial. Cette entreprise de BTP espagnole qui a fait fortune lors de la bulle immobilière et qui effectue désormais plus de 50% de son chiffre d’affaires à l’étranger est déficitaire.

Un accord a finalement été signé le 14 Mars. L’accord sur le co-financement inclut une nouvelle ligne de financement qui implique l’assureur Zurich, et la prolongation du moratoire sur certains paiements pour permettre la poursuite des investissements sur le chantier. Il prévoit également que les travaux soient achevés en décembre 2015.

Un tel niveau d’investissement et d’endettement pour un pays de 3.3 millions d’habitants ne laissent pas d’interroger ; sans entrer dans le détail, cela représente une charge de 2000$/habitant, quasi 6 mois de revenus. La contrainte cash pourrait ainsi apparaître rapidement car le président actuel, Ricardo Martinelli (propriétaire de la gigantesque chaîne de supermarchés Super 99) a maintenu et décidé d’importants investissements destinés à améliorer la qualité de vie des Panaméens dont la construction du métro de Panama City, dans laquelle réside la moitié de la population du pays, l’agrandissement des terminaux portuaires et de l’aéroport. A ceci s’ajoute une surenchère de promesses au moment où ont lieu les campagnes électorales destinées à élire le Président de la République, les députés et les maires pour une nouvelle période de 5 ans.

 

 Géostratégie du Canal

Dans le grand jeu international du « je te tiens, tu me tiens par la barbichette », l’extension du Canal de Panama décroche une forme de pompon. En effet, il faut rappeler que le Canal ne voit passer que 5% du trafic mondial, ce qui est loin d’en faire un verrou et que l’alternative ferroviaire entre les côtes Ouest et Est des Etats-Unis reste économiquement intéressante pour certains frets.

Par ailleurs, le Nicaragua semble prêt de déterrer son projet de Grand Canal unissant les 2 océans sur son territoire ; le président Ortega  a affirmé en janvier 2014 que les travaux devraient démarrer avant la fin de l’année. Le Grand Canal sera 3 fois plus long que le canal de Panama, mais plus proche des Etats Unis. Le communiqué est co-signé par le président de HKND Group, le chinois Wang Jing. Le projet est estimé à 40 milliards de dollars. Il comprend outre la voie d’eau, la construction de 2 ports, un aéroport et 2 zones franches : de quoi booster l’économie de ce pays de 6 millions d’habitants considéré comme un des plus pauvres d’Amérique Centrale après Haïti.

Enfin, l’utilisation du Passage du Nord-Ouest se profile à l’horizon (à force de faire fondre la banquise, nous y arriverons) et permettrait  de réduire grandement le temps/coût de transport entre l’Asie, l’Amérique du Nord et l’Europe. Il est amusant d’observer que l’Islande (ruinée après la crise des subprimes et que l’Europe a laissé tomber) a obtenu un refinancement complet de son économie par la Chine en échange de…. l’appui de l’Islande afin que la Chine rejoigne le cercle restreint (Canada, Etats-Unis, Russie et Europe – via UK, France, Danemark.. -) des pays ayant leur mot à dire en ce qui concerne l’Arctique ; effet du hasard, la Chine dispose déjà de deux navire brise-glaces à propulsion nucléaire. Prenons note que la Chine n’a pas participé au financement de l’extension du Canal. On ne peut que se dire : certains jouent aux échecs, d’autres au Go.

 

En guise de conclusion, l’île de Taboga, juste au droit de Panama City, abrite la plus grande colonie mondiale de pélicans bruns. Image

 

Ces pélicans, maladroits, s’assommant à moitié à chaque plongée, fournissent, par l’intermédiaire de leur maître immortalisé par Gotlib, une occasion inespérée de renvoyer à notre Rubrique à Brac qui s’étoffe, ce mois-ci  de l’excellente contribution de Gilles (cliquer sur le lien ci-dessous) relative au Révérend Bayes et  aux jeux de rôles, culminant, point d’orgue époustouflant, avec une analyse originale du jeu de l’administration de Georges W. Bush  avec ce pauvre Saddam Hussein …

 Révérend Tom – Contribution Epatante de Gilles

 

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Avec nos meilleures pensées, Santé et Sobriété,

Stéphanie / Christophe

Archipel de Las Perlas – Panama

25 avril 2014

www.yodyssey.com

Pour un régime de bananes

Petite Martinique - Grenade

Petite Martinique – Grenade

A Mindelo début Décembre, les voileux étaient concentrés sur un objectif : la Transat avec un grand Té. Arrivés aux Antilles, les voiliers s’éparpillent, certains pensent déjà au voyage retour par les Açores à partir du printemps, d’autres commencent une longue oscillation Nord-Sud d’une île à l’autre avant de devenir bateau ventouse comme à Hogg Island – Grenada  (Jacques notre coach historique nous avait bien prévenu: «on devient cossard aux Antilles » et c’est bien vrai) et les autres, obstinés continuent la route vers l’Ouest. Nous en faisons partie. En toute simplicité et sans grandiloquence aucune, les écrits qui suivent sont probablement les derniers d’Atlantique avant longtemps.

Après deux mois de remontée de l’arc des Antilles, de Tobago à la Guadeloupe, « Yo! », amarré à la Marina Bas du Fort de Pointe à Pitre s’apprête à traverser la mer des Caraïbes vers Panama au cours de la première quinzaine de Mars franchissant la dernière porte avant le Pacifique. Un arc de cercle amène tout point équidistant du centre (Panama en l’occurrence). Une fois prise la décision de traverser la mer des Caraïbes d’une traite, le point de départ est indifférent, alors pourquoi pas la Gwada ?

Pourquoi passer si peu de temps aux Antilles ? Une question pour une réponse : « Si vous aviez deux mois à allouer, entre les Antilles et la Polynésie que choisiriez-vous ? ». Nous avons fait le choix de la Polynésie, quitte à ne pas passer dans toutes les îles de l’arc mais s’attarder dans quelques-unes pour essayer de dégager une unité de la culture créole ou les particularités de chacune des îles. Tâche difficile, très difficile. Cette difficulté ne tient pas à la tentation de déguster les rhums originaux produits localement, depuis le rhum de Trinidad à 70° (imbuvable en dehors de rhums arrangés) au Soca Rhum de Portsmouth – Dominica bien meilleur après macération de quelques feuilles de poivre (recette de Felix http://www.youtube.com/watch?v=dmyVfoitaIc )

Jack Sparrow: Why is the rum always gone ?

Jack Sparrow: Why is the rum always gone ?

Lorsque taquinés, très vite certains habitants des Antilles brandissent leur passé d’esclaves et de déplacés. Encore une fois, « It began in Africa », mais ici le refus de la culture Anglo-Saxonne s’exprime par l’identification à Bob Marley et au mythique Negus ou Rastafari. Et l’Afrique reste en Afrique. Que ce soit à la Petite Martinique (Grenade), à Chatham Bay sur Union Island (St Vincent et les Grenadines), Saltwhistle Bay sur Mayreau Island (St Vincent et les Grenadines), à Portsmouth (Dominique), nous ne comptons pas les portraits du musicien ou les reproductions de l’album Uprising, les drapeaux représentant le lion d’Ethiopie et même les portraits d’Hailé Sélassié. Un artisan nous dit : «achetez plutôt ce collier fait avec des graines d’ici, celui-ci est fait avec des graines du Ghana, mais moi je ne suis pas Africain, je suis de la Dominique ! ». 3 lion in zion Les yeux rivés sur l’Ethiopie pour le passé, sur la Jamaïque pour le futur, laquelle draine les étudiants de la région bien plus que Cuba ou Puerto Rico. Mais au-delà de cette identification et revendication pacifiste, l’identité Rasta est extrêmement vaporeuse, juste assez pour s’y draper sans en être encombré. En dehors de Tobago et de la Dominique (où les Rastas sont bien réels), leurs congénères d’îles « développées » ne sont là que pour le folklore touristique et trainent désœuvrés un joint à la main : « Ganja Mon ? I grow my own ». D’ailleurs, quelle surprise de découvrir que plus personne ici n’écoute de Reggae mais un mélange de soupe pop Américaine des années 80 et de rap un peu plus récent mais peu convaincant.

Indian River - Dominique

Indian River – Dominique

Initié par les Portugais dans les années 1550, l’esclavage a été aboli en 1848 en France, une quinzaine d’année auparavant en Grande Bretagne. Alors pourquoi 160 ans plus tard, cet argument est-il encore utilisé ? Est-ce la récente décolonisation de ces îles par les Anglais et donc l’indépendance politique –sinon économique- des îles, ou le statut de Départements d’Outre-Mer de la Martinique et de la Guadeloupe qui vise à maintenir un statuquo de revendications à surtout ne jamais satisfaire ? Est-ce l’ampleur du traumatisme – 300 ans –  soit 15 à 20 générations dont les individus trop contestataires ont été impitoyablement éliminés, pression sélective ancrée dans l’inné ou l’acquis ? Il est malaisé d’ouvrir ces débats hormis en petit comité alors nous vous laisserons avec vos idées sur le sujet, prêts à recevoir vos points de vue. [Sur un plan culinaire, l’abolition de l’esclavage conduisit à l’importation d’une main d’œuvre de substitution étrangère et volontaire principalement du sous-continent Indien, d’où les nombreux curry et colombo qui constituent des piliers de la cuisine Créole]. Très clairement, la colonisation prend aujourd’hui une toute autre tournure, globalisée et pernicieuse dans laquelle la traditionnelle ségrégation Blancs/Noirs se trouve de facto renforcée et remplacée par un clivage bien plus conventionnel Riches/Pauvres.

La remontée Sud>Nord de l’arc en témoigne :

Trinidad et Tobago (T&T): indépendantes et autonomes économiquement mais soumises à la règle.  Tobago ruinée après le passage du cyclone IVAN en 2004 qui avait dévasté l’ensemble des plantations s’est ‘spontanément’ placée sous la férule de Trinidad laquelle bénéficie de belles richesses gazières et pétrolières ; le gouvernement central a alors demandé à la population d’arrêter l’agriculture  et de se recycler à l’industrie du tourisme (cela renifle le plan quinquennal à mille lieux). Ainsi, rien n’est produit sur place et tous les produits sont importés de Trinidad ou du Brésil, alors que la population reste nonchalante,  faisant semblant de ne s’apercevoir de rien.

Charlotteville - Tobago

Charlotteville – Tobago

Grenada ainsi que Saint Vincent et les Grenadines sont la chasse gardée des Américains, Sainte Lucie des Anglais : ici les gigantesques Caraïbes Cruisers (on a encore revu quelques Costa dont un sous l’eau depuis 1961) déversent leur lot d’obèses ou névrosées sur le front de mer avec pour consigne de surtout ne pas s’égarer dans les rues de derrière peu sures, ou de ne pas franchir les limites du marché aux épices, là les yachts immatriculés à Nassau attendent leur équipage sans aucune redistribution économique puisque la marina est administrée par Camper & Nicholsons International, compagnie Anglaise du secteur du yachting de luxe. Aucune rentabilité produite par les équipements touristiques n’est réinvestie dans les îles, immédiatement siphonnée  vers les Etats Unis, l’Europe ou, bien plus efficace,  les paradis fiscaux tout proches. Les seuls investisseurs locaux sont immanquablement liés au pouvoir politique (hôtel propriété de la fille de l’ancien premier ministre à Bequia où l’omniprésence du touriste Américain est presque insupportable).

Pourtant l’intervention des Etats Unis à Grenada en 1983 a laissé un sentiment de haine antiaméricaniste au sein de la population. La démonstration de force lancée par Reagan basée sur le « syndrome du Vietnam »  a eu lieu alors que les Etats Unis craignaient la déstabilisation de la région Caraïbes par la création d’un nouvel Etat Communiste soutenu par Cuba. Le rapport de force est disproportionné : 12000 marines contre 1000 représentants des forces locales renforcées par 900 Cubains. La victoire est facile, en dépit des nombreux transports de troupes échoués sur les récifs (bravo l’US Navy). L’occupation par 300 membres des forces Américaines durera 2 ans.

Comment ne pas être choqué par cette structure économique où la dépendance est savamment organisée : supermarchés remplis de produits Américains ou vitrines à touristes à des prix au-delà des capacités d’achat des locaux et marchés populaires vides ; il est symptomatique que la monnaie locale (l’Eastern Carbibean $) soit à parité fixe avec l’US $.

Clfton – Union Island – Saint Vincent et les Grenadines

Clfton – Union Island – Saint Vincent et les Grenadines

Sir James Mitchell a gouverné St Vincent et les Grenadines pendant 19 ans jusqu’en 2001. Son pays était alors fortement dépendant de l’exportation de bananes. Il a beaucoup œuvré pour la protection de son marché en Europe. Le ministre de l’agriculture Français de l’époque, de retour de croisière lui a donné le conseil suivant : «il y a plus d’avenir dans le développement du tourisme nautique de luxe dans votre pays que dans le marché de la banane en Europe ». (In : St Vincent & the Grenadines The Ungovernable – Sir James Mitchell).  L’argent des retraités Nord-Américains ou Européens, ne faisant que transiter dans les structures ad-hoc de défaisance, force est de constater que le tourisme est loin d’apporter la richesse nécessaire au développement économique du pays ce qui  conduit le gouvernement actuel à diversifier ses alliances (Bolivie, Venezuela, Cuba, Canada, Japon, Chine..) en vue d’obtenir des apports capitalistiques… un jeu dangereux, il faut une grande cuillère pour déjeuner avec Belzébuth…

Pour nous, petits joueurs dans ce monde de brutes, les symptômes sont irritants et dérangeants. Dans les Tobago Cays (St Vincent et les Grenadines), LE récif des Antilles, présent sur toute affiche publicitaire, LE lieu de SA lune de miel ou de vermeil, par 30 nœuds de vent, les catamarans de location à la semaine enchaînent erreurs sur erreurs, comportements irresponsables et dangereux, les pêcheurs sollicitent avec insistance les voiliers au mouillage pour qu’ils achètent un poisson au prix du marché Victor Hugo à Toulouse, les pauvres tortues « sanctuarisées » n’osent même plus jouer à la bête à deux dos (faut les comprendre, s’envoyer en l’air au milieu de trente clampins qui vous observent à travers leur masques/tubas…). Ailleurs, c’est la triste constatation que les prix sont duaux, locaux et touristes, que la couleur de la peau nous range automatiquement dans une catégorie…

Chatham bay – Union Island – Saint Vincent et les Grenadines

Chatham bay – Union Island – Saint Vincent et les Grenadines

Mais peut-on en vouloir à ces gens exclus du système de se battre pour une part du gâteau et leur existence future ? Un bon « deal » avec un touriste rapporte davantage qu’une journée de pêche à l’ancienne, pourquoi s’embêter ? Est-ce raisonnable encore une fois de sacrifier des territoires entiers pour la récréation de la classe moyenne mondiale ? Comment peut-on l’inscrire dans les perspectives démographiques qui annoncent pour la planète 3 milliards d’individus appartenant à la classe moyenne en 2020, s’ils désirent tous nager avec les tortues des Tobago Cays ou pique-niquer sur Morpion Island ?

Morpion Island – Saint Vincent et les Grenadines

Morpion Island – Saint Vincent et les Grenadines

L’arc des Antilles vit sous la menace de l’effondrement économique de l’encombrant partenaire et  voisin : le Venezuela. Champion de la révolution Bolivarienne Chavez a signé en 2005 un accord de coopération pétrolière avec 13 pays des Caraïbes. Dans le cadre de l’alliance Petrocaribe, le Venezuela fournit à ses partenaires du pétrole à des tarifs préférentiels et des conditions de paiement très, très différées. Seuls Trinidad et Tobago lui aussi producteur de pétrole et de gaz et la Barbade n’ont pas paraphé l’accord. Les économies fragiles des autres pays dépourvus de ressources dépendent largement des largesses d’ « El Commandante » depuis décédé et dont le successeur est actuellement largement contesté.

N’en déplaise à JL Mélenchon, à l’écoute des revendications d’une population privée des produits de nécessité (le Venezuela importe presque tout et ces importations dépendent du contrôle des changes soumis à des autorisations discrétionnaires qui favorisent les combines),  subissant une inflation record (+ 56% en 2013), un endettement qui frôle les 200 milliards de $ soit plus de 200% du PIB ce qui devient gênant,  une censure et une insécurité croissante (21 600 homicides en 2012), le Venezuela ne semble pas être « un phare pour les citoyens de la vraie gauche et un exemple pour l’humanité », même si le Chavisme a permis de réduire le niveau de pauvreté, de diminuer le nombre d’analphabètes et de mettre en place un système de retraite et de santé. Un ajustement du prix du baril au coût de production, envisagé comme mesure de redressement de l’économie introduirait alors un facteur d’instabilité probablement insurmontable pour les îles les plus vulnérables. Ce scénario est sans compter le rôle de Cuba qui semble aujourd’hui avoir des difficultés à se projeter dans l’après castrisme.

D’aucun auront noté que le Venezuela a été contraint en Janvier  d’émettre des bons du trésor pour financer ses importations de biens de première nécessité, pour les non-initiés, les caisses sont vides et les créanciers ne vont pas tarder à demander des comptes.

A tort ou à raison, l’imminence de la déflagration n’effraie que peu les habitants du Sud de l’arc des Antilles que nous avons rencontré, les sujets d’irritation liés au Venezuela concernent plutôt les trafics :

  • essence de contrebande obtenue 1c/l  (oui, oui 1 centime d’euro par litre, le prix local au Venezuela et ce depuis la nuit des temps car le sous-sol appartient au peuple, c’est bien connu  [de ce prix découle une intensité énergétique similaire à celle de la France pour ne rien produire… tout est importé au Venezuela… même l’essence qui pour ¼ de la consommation est importée des Etats-Unis alors que le Venez a les plus importantes réserves mondiales d’or noir] ) et revendue par des marins louches 0.5$/l soit une marge de 5 000 % de quoi rémunérer bien des intermédiaires…
  • cocaïne (crack) qui viendrait contester la suprématie de la ganja
  • armes fournies par la Russie qui inondent la région.
Venezuela – Cuba : Deux drapeaux, une seule révolution

Venezuela – Cuba : Deux drapeaux, une seule révolution

Plus au Nord, encore un étrange groupe, Martinique – Dominique – Guadeloupe. Deux Françaises qui encadrent une ancienne Anglaise. Les deux nations se sont affrontées de longues années pour le contrôle de la Dominique jusqu’en 1978, où elle devint une république au sein du Commonwealth. Etrange erreur de nos stratèges de ne pas chercher à l’intégrer dans le giron de la France !

Commençons par la Dominique, le pays des arcs en ciel, si vous le voulez bien. Indépendante et sans support, ni des voisins, ni du Commonwealth, la Dominique vendit sa voix à l’ONU à la Chine (abandon de la reconnaissance de Taiwan) contre quelques écoles, une route et un barrage. Une grande partie du business de l’île est désormais tenu par des représentants de l’Empire du Milieu qui achètent de la terre, du sable etc, tout comme ailleurs. Autre investisseur notable, le Maroc (construction de resort par exemple – surprenant n’est-il pas ?)  dont on imagine la justification dans une simplification de la chaîne logistique d’approvisionnement Européenne en cocaïne (bypass de l’Afrique de l’Ouest et de la remontée via des GoFast de la Mauritanie et du Sahara Occidental – relire le post du Cap Vert si besoin).

En contrepartie de ces manœuvres de « haute phynance », la conscience politique et la revendication d’indépendance et de liberté des personnes rencontrées sont très fortes. Les petites gens grognent, comme toujours, racontent, en petit comité des histoires de corruption et de pillage, une autre vision de la même réalité sous-jacente. A coquin, coquin et demi, certains attendent avec impatience la faillite de la société d’investissement Marocaine afin de pouvoir cannibaliser le bâtiment au trois quart fini ; seul un Allemand trouve grâce à leurs yeux, ils en parlent encore avec des larmes dans le sourire, ce dernier, connaissant la musique, avait, le sagouin, figé les encadrements des fenêtres dans le béton des murs… impossible à chouraver… la rage.

Portsmouth - Dominique

Portsmouth – Dominique

Une très belle expérience à Portsmouth, Nord-Ouest de la Dominique à travers PAYS (Portsmouth Association for Yachts Security).  Il s’agit d’une organisation communautaire, une des rares qu’il nous ait été donner d’observer (à l’inverse du Cap Vert) qui prend en charge l’accueil des voiliers dans la baie depuis l’aide au mouillage sur ancre ou sur coffre, l’accompagnement en barque lors de la visite de l’Indian River, le taxi, la lessive, l’aide à la maintenance des bateaux et surtout la surveillance contre la malveillance. Ces taches sont effectuées par une dizaine de marins sur des barques hors-bords : Spaghetti, Charlie, Cobra, Sea Bird, Lawrence of Arabia, Albert… Les fonds sont redistribués équitablement au sein de la communauté. Les renégats sont impitoyablement exclus et privés de moyens de subsistance évidents. Nous en avons rencontré un seul qui lors de son exclusion a travesti le nom de son bateau : MACA sur bâbord et RONI à tribord. Le financement de l’organisation est assuré par un diner deux soirs par semaine auquel la majorité des plaisanciers participent, cruisers ou charters plus, bien évidemment, les rétributions standardisées.

Indian River - Dominique

Indian River – Dominique

Quelques heures de navigation, un nième chenal pour changer de monde, l’archipel des Saintes, au Sud de la Guadeloupe, un côté Breton disent les guides nautiques, on restera réservé sur cet aspect : mouillage forain interdit, prise de coffre obligatoire, comme un air de pays. Inutile de s’attarder, d’autant que nous avons un programme de travaux chargé en préparation de la prochaine étape. Pointe à Pitre devient notre base pour quinze jours.

On découvre vite fait, Haute Terre (comprendre l’île qui est au vent mais en fait la plus basse) : concentration d’hôtels et d’activités touristiques, Basse Terre (celle qui est sous le vent mais en fait la plus haute grâce à la Soufrière), un peu sauvage et torturée. Entre les deux, Pointe à Pitre, cité désolée, pourrie par le crack, les hommes du GIGN y patrouillent en déguisement de RoboCop.

La difficulté à trouver du poisson frais et le conseil de Tonio et Maïté pour faire le marché : « vérifiez la provenance des fruits et légumes et privilégiez la production de la Dominique », mettent le pifomètre en branle – on cherche un peu, on se documente, et là patatras, encore un coup des producteurs de banane… 11 fleurs de bananier Pesticide destiné à éradiquer les charançons et augmenter la production de banane, la Chlordécone (également nommé Képone) a été interdite aux Etats-Unis en 1976, la licence cédée à une société Brésilienne avec changement de nom, interdite dans la communauté Européenne en 1990 avec une dérogation « banane » jusqu’en 1993 pour les DOM…. et une utilisation avérée en Martinique/Guadeloupe jusqu’en 2005 En bref, la molécule de Chlordécone a une grande stabilité naturelle (>3 000 ans), perturbateur endocrinien et neurotoxique, tout comme le nuage de Tchernobyl, elle ne passe pas les barrières phytosanitaires mises en place par les autorités, on croit rêver. Vingt ans plus tard, on trouve dans les Antilles Françaises des taux élevés de troubles du développement, de prématurité, de cancers de la prostate (la Guadeloupe en détient le triste record mondial en pourcentage), etc…

Le Sud de Basse Terre est complètement pollué : par ruissellement (il pleut pas mal dans les Antilles), les terres sont lavées de leur Chlordécone qui est entrainée vers les jardins potagers (toutes les racines de production locale sont désormais considérées comme à risque par les autorités), puis une étape plus loin, la molécule est entrainée sur l’estran et se fixe dans la vase rendant les mollusques (lambis) et poissons impropres à  la consommation. Les arrêtés préfectoraux en juillet 2013 ont redéfinis les zones interdites à la pêche et mettent en place des indemnisations.Difficile de croire que les locaux s’abstiennent de cultiver leur jardin ainsi que de sortir avec leur bateau de pêche… les produits sont simplement vendus « discrètement », surtout pas à des étrangers qui pourraient être des représentants de la force publique – ironie suprême,  confronté à un refus de vente, le touriste blanc s’insurge contre cette nouvelle forme de racisme.

L’argument selon lequel la relation directe entre la mise en danger de la santé publique et la pulvérisation massive de pesticide n’était pas clairement établie a été utilisé pour justifier de continuer à utiliser le produit afin de protéger les 270 000 tonnes de bananes annuelle et surtout le portefeuille bien rempli des Békés. => On ne peut pas le démontrer DONC cela n’est pas possible                 FAUX

Pub dans le Monde du 25 Février 2013

Pub dans le Monde du 25 Février 2013

Cette triste histoire de banane offre néanmoins une occasion de présenter le révérend Tom dont les travaux au 18ème  siècle fournissent une clé de lecture intéressante des phénomènes et éclairent nos processus de décision individuels ou collectifs. Le révérend Thomas Bayes ministre du culte presbytérien est né en Angleterre en 1701 ou 1702. Il est censé avoir mené une vie paisible de célibataire studieux, comme souvent à cette époque (on peut en douter à voir le célibat marqué de Lewis Carroll), et publie de son vivant «La Bienveillance divine, ou une tentative de preuve que la fin première de la Providence divine et du Gouvernement est le Bonheur de ses créatures », tout un programme. A sa mort, son vieux pote Richard Price soutient la publication en 1763 d’un texte posthume « Essai en vue de résoudre un problème de la doctrine des sciences » qui pose ce qu’il est désormais convenu d’appeler le théorème de Bayes.

Ce théorème redécouvert en 1774 par le Marquis de Laplace – lequel fût le premier à prévoir les mouvements de planètes et insistait lourdement auprès de Napoléon Bonaparte sur le fait qu’il n’avait nullement besoin d’invoquer Dieu pour ce faire – ce théorème donc dit de Bayes correspond à une équation d’apprentissage statistique dont les applications très larges dépassent le cadre des mathématiques. On l’utilise dès que l’information disponible est limitée ou bien difficile à rassembler. Rien d’étonnant à ce que l’industrie pharmaceutique (développement de molécules) et les big-oils (prospection pétrolière) en soient friands et figurent parmi les utilisateurs intensifs après que les mathématiciens dans les années 1980 aient reconnus des fondements « sains » à l‘approche. Il faut noter également que la nouvelle économie avec les perspectives de gigantesques bases de données à traiter (Data Mining) constitue un champ d’application fabuleux pour une méthode capable d’apprentissage.

Pour les moins matheux d’entre nous :

Le théorème de Bayes prend en compte la vraisemblance d’un événement conjointement à sa probabilité d’occurrence. Il s’agit d’un raisonnement inverse où l’on cherche à déterminer la probabilité (vraisemblance) d’une hypothèse compte tenu d’un ensemble d’observations: si l’on connait les conséquences d’une cause (ou d’un ensemble de causes), l’observation des effets produits permet de remonter aux causes probables.

Pour les autres :

Le théorème de Bayes prend l’aspect d’une petite, toute petite formule qui permet d’évaluer la pertinence de ce que l’on croit savoir – une hypothèse (H) –  à l’aune de l’information apportée par une observation (O).

On appelle :

– P(O) et P(H) les probabilités respectives de H et O

– P(O|H) la probabilité de O sachant H : si l’hypothèse H est vraie alors on devrait observer O avec une certaine probabilité

– P(H|O) la probabilité de H sachant O, résultat de la formule de Bayes constitue une mesure de la pertinence de l’hypothèse H ayant observé O – ceci permettra de classer les différentes hypothèses possibles en vue de déterminer la plus vraisemblable (et non pas la plus probable).

La formule de Bayes s’écrit ainsi : 13 Bayes 1 Dans les probabilités classiques, on cherche à résoudre les problèmes directs : étant donné une urne avec 6 balles blanches et 4 noires, quelle est la probabilité de tirer 3 noires.

Le problème que résout Bayes concerne l’inversion du raisonnement : étant donné un tirage, que peut‐on dire sur le contenu de l’urne ? Autrement dit, quelle est la probabilité des tirages suivants? Par exemple, pour une urne dont on ne sait rien :

  • cinq tirages successifs d’une boule blanche conduisent à une vraisemblance  FORTE d’un sixième tirage blanc sans qu’il soit possible de prouver que l’urne ne contienne pas de boule rose ou bleue…. ou verte.
  • quatre tirages successifs d’une boule blanche suivis d’une cinquième noire conduisent à une vraisemblance un peu moins forte de blanc et une vraisemblance faible de noir On voit bien dans un tel contexte la capacité d’apprentissage à l’œuvre.

Pour aider un peu, un exemple emprunté à Stanislas Dehaene (professeur de Neuro Sciences): Un jeune patient rend visite à son médecin en Novembre parce qu’il tousse (O). Trois hypothèses:

  • H1=il a la grippe.
  • H2=il a un cancer du poumon
  • H3=il a une gastro‐entérite

Théorème de Bayes: p(H|O) = p(O|H) *  p(H) / p(O) En l’occurrence, p(O)= 1 car le patient tousse, c’est un fait. Bayes 2 Conclusion : le patient à la grippe.

Cet exemple reste simple car il y a alignement entre la probabilité et la vraisemblance de l’évènement. Mais concernant des phénomènes plus complexes, l’application du théorème de Bayes devient subtile.  Dans la pratique (et reprenant en cela une vieille idée de Turing), on travaille plutôt sur des logarithmes qui caractérisent l’évidence (mesurée en déciban tout comme le bruit en décibel), en fait une mesure de la vraisemblance d’une hypothèse par rapport aux autres.

Quelques champs d’application originaux :

  • ce n’est plus un secret que la résolution des messages cryptés de la machine Enigma lors de la seconde guerre mondiale par Alan Turing reposait sur une application judicieuse du théorème de Bayes (ceci étant, Turing fut grandement remercié pour sa contribution sous forme de castration chimique – l’homosexualité affichée dans les années cinquante n’était pas bien vue chez nos cousins grand-bretons),
  • les sciences cognitives commencent à percevoir le cerveau, tant du point de vue de l’apprentissage (capacité d’inférence Bayésiennes avérées chez l’enfant de huit mois), de la perception (capacité de notre système nerveux à ne nous donner « à voir » qu’une seule représentation du monde à un instant donné), que du point de vue de vieux débats (genre inné-acquis) comme reposant en grande partie sur des modes Bayésiens de traitement de l’information,
  • la recherche du lieu de crash de l’AF 447 (mais en fait, la quasi-totalité des systèmes de recherche fonctionnent sur les mêmes principes),
  • et même Henri Poincaré, en charge d’une énième expertise du fameux bordereau dans le cadre du procès en réhabilitation de Dreyfus, utilisa dans ses raisonnements (à l’inverse de ce plouc de Bertillon) ce que l’on pourrait appeler une méthode Bayésienne.

Reste l’extension du théorème de Bayes qui nous intéresse spécifiquement et sur lequel nous souhaitons vos avis – par mail ou par commentaire sur le blog.

Nous avons sélectionné un certain nombre d’assertions, issues de Sciences dures ou molles, qui illustrent une absence de preuve (probabilité faible ou nulle) mais une vraisemblance forte basée sur des observations répétées ou bien l’inverse. Est-il valide d’utiliser une approche Bayésienne et si oui, quelle est votre conclusion ?

  1. le dérèglement climatique est d’origine anthropique : Probabilité faible et vraisemblance forte.
  2. dès 1935, l’Allemagne se prépare à envahir la France : Probabilité forte et vraisemblance (perçue par les gouvernements) faible.
  3. les pesticides sont responsables de la disparition des abeilles : Probabilité faible et vraisemblance forte [nous traiterons spécifiquement des Abeilles dans le prochain post]

Nous sommes également intéressés de vos propres exemples…

Dans l’attente de vous lire, avec nos meilleures pensées, Santé et Sobriété,

Stéphanie / Christophe

Marina Bas du Fort – Pointe à Pitre – Guadeloupe

28 février 2014

www.yodyssey.com